Friday, April 24, 2015

Retour sur le «Pow Wow Gate»



Cette semaine, SRC annonçait l'arrivée prochaine sur ses ondes d'une émission culturelle animée par le chanteur Pierre Lapointe et l'animatrice Claudine Prévost. A priori, aucun problème, les Québécois doivent se doter d'outils de promotion pour promouvoir et faire rayonner leur culture. Le hic? L'émission télévisée aurait porté le titre de « Pow Wow ». L'indignation des Autochtones fut quasi-instantanée et rapidement les échos se firent entendre dans les médias sociaux. En peu de temps, la poétesse Natasha Kanapé Fontaine porta le message sous forme de lettre ouverte aux médias conventionnels, et l'argumentaire fut repris par les journalistes et les animateursLa principale raison de s'opposer à cette appropriation culturelle (cultural appropriation), c'est qu'on prenait le nom de la cérémonie communautaire la plus importante chez les Autochtones (durant laquelle d'ailleurs il y a des moments où la photographie est interdite selon les protocoles culturels), on vidait le nom de son sens, on en faisait une marque de commerce, et puis on n'incluait aucun contenu autochtone à l'émission.


Solutions proposées?


Plusieurs pistes étaient possibles au-delà de l'annulation complète de l'émission: la SRC pouvait changer son titre pour une appellation plus appropriée, ou bien modifier le mandat de l'émission télévisée pour inclure sur une base régulière du contenu autochtone à chaque épisode (ce ne sont pas les artistes innus qui manquent...). Le deuxième choix aurait été le plus audacieux, et non seulement il aurait permis de conserver le titre de l'émission tel quel, sans avoir à reculer, mais il aurait eu la capacité de transformer les adversaires en partisans. Quelle bonne idée aurait été une émission appelée « Pow Wow » qui rassemble Québécois de souche, Amérindiens, Inuits et communautés culturelles, axée sur le partage de musique de toutes origines et la discussion entre peuples.


En moins de deux jours, le choix inapproprié du titre fut abandonné par les concepteurs de l'émission télévisée. SRC avait finalement choisi de verser dans le premier choix, celui qui demandait le moins d'effort, plutôt que de faire preuve d'audace.





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A première vue, la crise du « Pow Wow Gate », comme un média se plaît à le nommer, semble une tempête dans un verre d'eau. Bon nombre de Québécois utilisent ce terme dans le langage familier pour désigner un rassemblement ou une fête quelconque, sans connaître le sens premier de la célébration autochtone. D'autres, malheureusement beaucoup moins instruits, ne retiennent que ce ne sont apparemment que deux onomatopés, «Pow» et «Wow», et aboutissent aux conclusions les plus stupides:  ce sont les mêmes types qui croient bêtement que «Yum Yum» veut dire pomme de terre en «amérindien» (sans précision pour à laquelle des 11 langues autochtones ils font référence). Or, l'ignorance des Québécois concernant la signification du mot Pow Wow et du sens général de cette cérémonie autochtone (qui n'est ni un party, ni une fiesta) n'est pas une justification pour une utilisation colonialiste du terme. 




C'est difficile de trouver l'équivalent exact pour la même situation pour donner aux Québécois une perspective équivalente du problème de l'appropriation culturelle. On peut faire quelques ballons d'essai: aimeriez-vous que les Américains reprennent la St-Jean-Baptiste, tout en anglais, en omettant de mentionner la culture québécoise? êtes-vous à l'aise avec les menus halal à la cabane à sucre? ne sentez-vous pas le malaise quand on parle de la poutine comme un mets «canadien» plutôt que québécois?



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Mais bon, faut-il en vouloir à tous les Québécois? 


Dans la vie, les crayons sont munis de gommes à effacer parce qu'il arrive à tous de faire des erreurs, conscientes ou non. Si l'erreur n'est pas délibérée et intentionnelle, pas malveillante, et que la personne ne persiste pas de cette erreur une fois qu'on lui a expliqué clairement le sens de ses gestes, il n'y a pas de problèmes. Bref, les individus font des erreurs, l'erreur est humaine, et on peut toujours faire marche arrière sur une mauvaise décision.

 
Par contre, les institutions et les entreprises sont tenues à des normes plus élevées que celles qu'on exige des individus, étant donné le caractère formel de leurs activités et de l'influence détenue de ces organismes sur la société. Surtout le gouvernement fédéral, qui autrefois interdisait par la loi la tenue d'événements culturels autochtones, comme les Potlatchs et les Pow Wows. Oui, il a déjà été illégal pour les Autochtones de faire un Pow Wow. Et puis, tout d'un coup, une agence fédérale, la SRC, annonce qu'elle utilise le mot Pow Wow comme marque de commerce pour une émission culturelle, sans y inclure de contenu autochtone. Bonjour malaise.


On l'a vu et on continue à le revoir, les organismes allochtones utilisent souvent dans leurs activités de marketing des éléments culturels autochtones. Parfois, l'emprunt semble anondin, comme le titre de l'émission mentionné ci-haut, et de simples de modifications permettent d'ajuster le tir. D'autre fois, les références à la culture autochtone sont employées par des organisations à des fins intentionnellement mensongères: on n'a qu'à penser à l'histoire de Pocahontas, complètement dénaturée et édulcorée par Disney pour ne pas révéler la réelle tragédie qui s'y cache. Certains de ce mensonges servent à nier des faits, d'autres à carrément les falsifier, que ce soit le ridicule mythe de la résistance de Madeleine de Verchères ou de la supposée fraternité interculturelle lors du premier Thanksgiving américain. Parfois, comme on l'a vu avec la firme Eska, on verse dans le «redface». Et récemment, dans le cas d'un certain film d'Adam Sandler, il s'agit carrément de dénigrement et de racisme, malgré les prétensions de supposé humour. Ultimement, parce que c'est une forme d'ignorance, le racisme dénigre la personne fait autant que celle qui le subit.


Mais lentement, mais sûrement, à défaut d'avoir un lobby bien organisé et une armée d'avocats, les Autochtones prennent entre leurs mains le respect de leur identité culturelle, tout en intégrant avec eux les Allochtones qui souhaitent être leurs alliés.  A la longue, un clic à la fois, de nouvelles normes, basées sur le respect mutuel de nos institutions culturelles respectives, parviendront à s'imposer.


Je pense qu'on peut arriver à mieux.