Thursday, May 31, 2012

Une question de chiffres


Le gouvernement a proposé 1625.

Les étudiants ont répondu 0.

Jean Charest a répliqué en ajoutant 78.

Ce qui donne au total 1984.

Le peuple répondra 1789.

Tuesday, May 29, 2012

Les Borgias 2 - Prophète nul dans son pays


Le roi Louis XII fut introduit en Italie par l'ambition des Vénitiens, qui voulaient, par sa venue, acquérir la moitié du duché de Lombardie. Je ne prétends point blâmer le parti qu'embrassa le roi : puisqu'il voulait commencer à mettre un pied en Italie, où il ne possédait aucun ami, et dont la conduite de Charles VIII lui avait même fermé toutes les portes, il était forcé d'embrasser les premières amitiés qu'il put trouver;et le parti qu'il prit pouvait même être heureux, si d'ailleurs, dans le surplus de ses expéditions, il n'eût commis aucune autre erreur. Ainsi,après avoir conquis la Lombardie, il regagna bientôt la réputation que Charles lui avait fait perdre : Gènes se soumit; les Florentins devinrent ses alliés; le marquis de Mantoue, le duc de Ferrare, les Bentivogli, la dame de Forli, les seigneurs de Faenza, de Pesaro, de Rimini, de Camerino, de Piombino, les Lucquois, les Pisans, les Siennois, tous coururent au-devant de son amitié. Aussi les Vénitiens durent-ils reconnaître quelle avait été leur imprudence lorsque, pour acquérir deux villes dans la Lombardie, ils avaient rendu le roi de France souverain des deux tiers de l'Italie. 


Le prince (Niccolo Machiavelli)


Dans un texte précédent, Les Borgias, j'expliquais comment le gouvernement de Jean Charest a utilisé une manoeuvre classique de Machiavel en utilisant la démission de sa ministre, Line Beauchamps, pour se faire du capital politique en laissant le public stupide et satisfait. Le premier ministre, ou un au moins un de ses conseillers, a par ses lectures d'oeuvres anciennes réussit à retenir une leçon en matière de stratégie, et c'est bien une des rares choses pour lesquelles on peut encore apprécier le gouvernement en place: apparemment, il y a au moins quelqu'un qui sait lire. Silver lining on the cloud, I guess.


Ailleurs, par exemple à l'ENAP, on peut dire qu'on fait parfois face à des illetrés politiques. Un cas précis: Robert Bernier, qui est professeur de cet établissement. Pauvre établissement ! Dans une émission de mauvais goût animée par un pseudo-journaliste où sont invités des perroquets qui martèlent le message du néolibéralisme ad nauseam, Monsieur Bernier a fait figure de bête de foire - tout un exploit considérant qu'il se trouvait à côté de Johanne Marcotte et de Richard Martineau. Dans un discours insensé, avec une mise en scène ridicule, Robert Bernier osa faire appel à des «forces extérieures» pour régler la crise actuelle à Montréal, c'est-à-dire qu'il a reconnu publiquement en ondes que le gouvernement provincial du Québec devrait faire appel à l'armée canadienne, de juridiction fédérale, pour rétablir l'ordre.


Je vous laisse écouter le clip (le message de Robert Bernier figure vers 12 minutes et 40 secondes):





Laissons de côté le fait que l'envoi de l'armée d'un pays pour dominer ses propres citoyens constituent la pire intervention gouvernementale possible et qu'il est complètement inconcevable que Johanne Marcotte, défenseresse auto-proclamée de la «libarté», ne réagisse pas (et qui propose la solution finale vers la 10e minute du clip... choix très douteux de termes). Laissons aussi de côté le dégoûtant appel au fascisme, qui reconnaît davantage la liberté des entreprises à commercer que celle des citoyens à s'exprimer. Regardons la situation du même oeil que Machiavel: si le gouvernement du Québec, comme les Vénétiens de la Renaissance, fait appel à une «force externe» pour obtenir un gain comme le règlement du conflit étudiant,  il abdique alors une partie de son autorité et ne devient qu'une extension des politiques du partenaire plus puissant. Dans le cas de Venise, il s'agit de devenir l'un des satellites de la France de Louis XII; pour celui du Québec, la présence de l'armée canadienne sous prétexte de mesure d'urgences relèguerait le gouvernement Charest au simple rang de figurant dans le débat social... Il faut toujours éviter, dans un conflit entre entités, de faire appel à un partenaire de plus grande taille, car on risque de créer deux perdants plutôt qu'un seul.


Et ça, Robert Bernier l'aurait su (et aurait plus de jugement...) s'il avait lu Le prince avant de donner son consentement à une option inacceptable.

Monday, May 21, 2012

Christian Nadeau - Un grand tonnerre




Christian Nadeau

Un grand tonnerre. Lettre ouverte aux étudiantes et aux étudiants en grève


Chères étudiantes, chers étudiants,


Vous me permettrez tout d’abord de m’adresser à votre groupe dans son ensemble, et non à vos porte-paroles, ou à ceux que les médias nomment vos « leaders », une expression qui reflète bien l’abrutissement servile de notre époque. Voilà pourquoi je veux parler à tous les militants et militantes du mouvement étudiant.

Je vous écris cette lettre afin de vous saluer et de vous demander, humblement, de nous aider à poursuivre votre œuvre. Votre lutte est la renaissance de la gauche au Québec, endormie depuis des années par les privilèges de quelques-uns et étourdie par sa propre rhétorique préfabriquée. Vous êtes les travailleurs de la liberté. Vous avez dénoncé les fastes doucereux de nos paradis artificiels.Vous nous avez rappelé ce qu’est un peuple dans ce qu’il peut être de plus beau : un grand acte de confiance. Vous nous avez parlé, vous nous avez tendu la main, même lorsque nous vous laissions sans réponses. Mais il n’est pas trop tard. Nous serons d’abord quelques centaines, puis des milliers à œuvrer avec vous. Reste la question de la violence, qui serait le mur entre nous.


Mais de quelle violence parlons-nous au juste ?

 

Violence et contestation


Il est confortable de condamner la violence lorsqu’on ne la subit pas au quotidien. Commode de juger sans comprendre, et de juger en bloc tous les étudiants pour des gestes favorisés, voire peut-être même espérés avec cynisme par nos élus. Certes, certains d’entre vous jugent que l’heure n’est plus aux évènements festifs où l’imagination confronte le pouvoir. Mais vous savez aussi que la raison du plus fort ne peut être la meilleure.


Pour ma part, je serai toujours contre un pouvoir qui est au bout du fusil, quelle que soit la personne qui tient le fusil. Mais je n’ai jamais vu une matraque entre les mains d’un étudiant. En revanche, je n’ai jamais été témoin d’une telle violence à l’égard d’un groupe social au Québec. Je n’ai jamais vu un tel mépris du gouvernement à l’égard de ses propres citoyens. Je n’ai jamais vu une telle arrogance d’un trop grand nombre de journalistes et de chroniqueurs devant ceux qui pourraient leur apprendre à écrire et à s’exprimer décemment.


Le mouvement étudiant s’insurge contre les bastonnades par des matamores de la matraque, maniant celle-ci comme s’il s’agissait d’un hochet. Ils postillonnent du poivre de Cayenne et dégradent toute leur profession. Je suis peut-être naïf, mais je demeure absolument convaincu que les policiers sont profondément divisés sur l’image donnée d’eux lors des répressions à la sauce militaire. Les charges martiales de policiers en armures contre des manifestants pacifiques n’ont pas pour premier but de vous effrayer. Elles visent en réalité à vous humilier, jusqu’à ce que la raison cède le pas à la colère et déclenche des hostilités dont les forces de l’ordre se voient déjà vainqueurs. Voilà contre quoi vous luttez : à la raison du plus fort, vous opposez la force de la raison. En dénonçant la violence commise sur des personnes, vous avez rappelé le sens réel de ce débat moral. Vous avez fait ce que vous faites depuis des mois : vous nous apportez une parole édifiante.

 

La grève est étudiante…


Chacun connaît le fameux passage de Terre des hommes, où l’auteur condamne la volonté de mettre un terme à ce qu’il y a de meilleur dans le cœur de tous. « Ce qui me tourmente, dit Saint-Exupéry, les soupes populaires ne le guérissent point. Ce qui me tourmente, ce ne sont ni ces creux, ni ces bosses, ni cette laideur. C’est un peu, dans chacun de ces hommes, Mozart assassiné ». Cette phrase, souvent galvaudée, résonne malgré tout dans le contexte actuel, car elle exprime le dégoût devant l’ignoble. Le gouvernement s’obstine à vous mépriser, au mépris même de sa raison d’être. Il espérait une humiliation publique et il l’a fait à coup de matraque, mais aussi et peut-être surtout d’invectives des chiens de garde des nantis, des profiteurs et des saboteurs de la chose publique. Aux courtisans du pire, vous répondez en refusant de perdre votre dignité. Vous offrez une leçon de morale publique à un gouvernement qui ne se préoccupe plus d’honneur depuis trop longtemps.

 

Mais la lutte est populaire


Il est étonnant de voir les commentateurs s’étonner du tournant politique de la grève étudiante. Pourtant, depuis le début, vous avez dit clairement pourquoi votre lutte concernait un enjeu fondamental de notre société. Depuis le début, vous avez refusé toute forme de corporatisme. Vous avez proposé des options et vous avez accepté tous les débats sociaux, y compris avec ceux-là mêmes qui préféraient vous traîner dans la boue plutôt que de vous accorder le moindre crédit. Quelle que soit la suite des choses, vous avez déjà remporté une victoire que vous avez eu l’immense générosité de nous offrir tous les jours depuis le début de la grève.


Si une partie de notre société a voulu vous humilier, c’est qu’elle craint le retour d’une véritable option social-démocrate. Si elle réagit avec une telle violence à votre mouvement, c’est par peur de ceux qui redressent l’échine et se disent prêts à défendre le bien commun. Pourquoi vouloir enfermer la liberté dans une cage et briser l’espoir d’une société plus juste ? Est-ce bien Mozart qu’on assassine en voulant détruire votre mouvement ? Ne devrions-nous pas plutôt chercher à comprendre pourquoi ils veulent tuer Jaurès ?

 

Un grand tonnerre


Je termine en vous remerciant, encore une fois, et en conviant tous ceux qui, comme moi, ressentent au plus profond d’eux-mêmes cette infinie reconnaissance qu’ils ont à votre égard, à en faire autant. Nous saluerons votre courage, et votre refus de l’abdication. Et ensemble, nous reconstruirons une société civile et un État que les thuriféraires du privé voudraient voir disparus.


Chères étudiantes, chers étudiants, vous nous avez montré la voie. On dit de vous que vous exigez l’impossible. Au contraire, vous ouvrez les possibles. C’est la raison pour laquelle nous serons nombreux à vous accompagner lors de la grande manifestation du 22 mai, en marchant avec vous ou en formant une grande haie d’honneur pour saluer votre détermination, en vous saluant de toutes les fenêtres. Nous formerons ensemble un grand tonnerre, oui, un très grand tonnerre d’applaudissements, une ovation dont l’écho se fera entendre encore et encore, pour que durent la lutte et l’espoir.

V pour Vendetta: Discours télévisé sur BTN



Bonsoir Londres. 


Permettez-moi tout d’abord de vous présenter mes excuses pour cette interruption. J’aime, comme beaucoup d’entre vous le confort du train-train quotidien, le sentiment de sécurité et la tranquillité que procure ce qui est familier et répétitif. Je les apprécie, comme tout à chacun.


Mais dans cet esprit de commémoration qui prévoit que les évènements importants du passé, habituellement associés à la mort d’un individu, ou à la fin de quelque horrible bataille sanguinaire, soit célébré par de sympathiques congés, j’ai pensé que nous pourrions célébrer ce 5 Novembre, jour hélas oublié, en consacrant un court instant de notre vie quotidienne à nous asseoir et à bavarder un peu.



Il existe bien sûr des personnes qui ne veulent pas que nous parlions. Je soupçonne qu’en ce moment même, des ordres sont aboyés dans des téléphones et que des hommes armés vont bientôt se mettre en route. Pourquoi ? Parce que même si l’on peut substituer la matraque à la conversation, les mots conserveront toujours leur pouvoir. Les mots sont le support de la compréhension et pour ceux qui les écouteront l’énonciation de la vérité. Et la vérité c’est que quelque chose va très mal dans ce pays, n’est ce pas ?



Cruauté et injustice. Intolérance et oppression. Et la où, auparavant, vous aviez la liberté de faire des objections, de parler comme bon vous semblait, vous avez maintenant des censeurs, des systèmes de surveillance vous contraignants à la conformité et sollicitant votre docilité.

Comment est-ce arrivé ? Qui est à blâmer ? Bien sûr, il y a ceux qui sont plus responsables que les autres et qui devront en rendre compte mais... Encore dans un souci de vérité, si vous cherchez un coupable, regardez simplement dans un miroir.

Je sais pourquoi vous l’avez fait. Je sais que vous aviez peur. Qui pourrait se vanter du contraire ! Guerre, terreur, maladie. Une myriade de problèmes a contribué à perturber votre jugement et à vous priver de votre bon sens. La peur a pris ce qu’il y a de meilleur en vous. Et dans votre panique vous vous êtes tourné vers Adam Sutler, aujourd’hui Chancelier.

Il vous a promis de l’ordre, il vous a promis de la paix. Tout ce qu’il a demandé en échange, c’est votre consentement silencieux et docile. La nuit dernière, j’ai cherché à mettre fin à ce silence ! La nuit dernière, j’ai détruit le Old Bailey pour rendre la mémoire à ce pays.

Il y a plus de 400 ans, un grand citoyen a voulu ancrer à jamais le 5 Novembre dans nos mémoires. Il espérait rappeler au monde qu’impartialité, justice et liberté sont plus que des mots, ce sont des principes. Alors si vous n’avez rien vu, si vous ignorez toujours les crimes de ce gouvernement, je vous suggère de ne pas commémorer le 5 Novembre.

Mais si vous voyez ce que je vois, si vous ressentez ce que je ressens, si vous désirez ce que je désire, alors rangez vous à mes côtés dans un an à compter d’aujourd’hui devant les grilles du Parlement, et ensemble, nous leurs offrirons un 5 Novembre gravé à jamais dans les mémoires !




Saturday, May 19, 2012

Les grandes chansons: Le bruit des bottes (Yann Perreau)


Si vous désirez une image de l’avenir, 
imaginez une botte piétinant un visage humain…éternellement.

- George Orwell, 1984


Ne les entends-tu pas
Bruyantes comme le tonnerre
Marcher au pas de l'oie
Écraser les frontières
Et défoncer les portes
De leurs semelles cloutées
Prétextant la défense
Des droits et libertés
N'entends-tu pas
Le vent qui porte
Le bruit des bottes
Elles sont là des millions
Qui n'attendent qu'à résonner
Reste qu'à trouver les pieds
Qui voudront les chausser
La haine est partout
Alors ils font la queue
Pour un peu de pouvoir
Et une paire bien à eux
N'entends-tu pas
Le vent qui porte
Le bruit des bottes
Qu'ils pourront user
Dans le pays de leur choix
Rassurer par leurs chefs
Qu'ils sont bien dans le droit
Au nom de la liberté
Ils iront imposer
Au reste de la planète
Une façon de marcher
N'entends-tu pas
Le vent qui porte
Le bruit des bottes
Elles sont là des millions
Qui n'attendent qu'à résonner
Reste qu'à trouver les pieds
Qui voudront les chausser


Gérald Godin, Énumérations

« Énumération »

Lecture de Gérald Godin à la Nuit de la poésie, 27 mars 1970


les coquerelles de parlement
les patineurs de fantaisie
les zigonneux d’élections
les tarzans du salut public
les écrapoutis d’assemblée nationale
les visages de peau de fesse
les toutounes de la finance
les faux surpris de mcgill
les plorines des sénats
les savates de nos sociétés nationales
la puanterie des antichambres de ministres
les va-la-gueule de l’égalité ou l’indépendance
les poubelles du Canada mon pays mon profit
les regrattiers de la patrie
dans les pawn-shops de la nation
les écartillés de l’honnêteté
les déviargés de la dignité
les pas clair-de-nœuds
tous ceux qui ont des meubles en cadeaux
les baveux du million mal acquis
les éjarrés de la vente au plus offrant
les peddlers du fédéralisme enculatif
la ratatouille du pot-de-vin
les trous d’eau de radio-cadenas
les fafineux de la trahison à crédit
les taches de graisse sur la conscience
de tous ces trous-de-cul
on a notre maudit tabarnaque
de cinciboires de cincrèmes
de jériboires d’hosties toastées
de sacraments d’étoles
de crucifix de calvaires
de couleuré d’ardent voyage


Wednesday, May 16, 2012

Le Québec dans la mire de la stratégie du choc

« J’espère que ça servira d’électrochoc », a souhaité Line Beauchamp alors qu’elle annonçait sa décision aux côtés du premier ministre Jean Charest.»

«Je fais l'ultime compromis...», Régys Caron, Journal de Montréal




Démission lundi, loi spéciale jeudi... shocked and awed, anyone?

Prenons une minute de recul et constatons l'application de la stratégie du choc effectuée par le gouvernement Charest.
  


Tuesday, May 15, 2012

Les Borgias

Parce que ceci est digne d'être connu et d'être imité par d'autres, je ne veux pas le laisser de côté. Comme le duc avait pris la Romagne et qu'il trouvait qu'elle avait été dirigée par des seigneurs impuissants, lesquels avaient dépouillé plutôt que dressé leurs sujets et leur avaient donné matière à désunions, non pas à union, au point que cette province était pleine de vols, de querelles et de toutes autres sortes d'insolences, il jugea nécessaire de lui donner un bon gouvernement pour la réduire à être pacifique et obéissante au bras royal. C'est pourquoi il en chargea monsieur Ramiro de Lorca, homme cruel et expéditif, à qui il donna plein pouvoir. Celui-ci, en peu de temps, la réduisit à être pacifique et unie, avec une très grande réputation. Plus tard, le duc jugea qu'une autorité si excessive n'était plus nécessaire, parce qu'il craignait qu'elle ne devienne haïssable ; il en chargea un tribunal civil au milieu de la province avec un président très excellent, où chaque cité avait son avocat. Puis, sachant que les rigueurs passées avaient engendré de la haine contre lui, pour purger les coeurs des gens du peuple et se les gagner tout à fait, il voulut montrer que si quelque cruauté avait eu lieu, elle n'était pas venue de lui, mais de l'âpre nature de son ministre. Ayant saisi l'occasion à ce sujet, un matin à Cesena, il le fit mettre en deux morceaux sur la place, avec un billot de bois et un couteau sanglant à côté de lui. La férocité de ce spectacle fit que les gens du peuple demeurèrent à la fois satisfaits et stupides.


- Le prince, Niccolo Machiavelli


Plus sinistre que ministre, Line-la-pas-fine s'éteint.
Morte la bête, mort le venin.



La ministre Line Beauchamps n'est plus. Beaucoup  s'en réjouiront, y compris moi-même. Mais gagner une ronde n'est pas synonyme de victoire. Jean Charest soucieux de ses propres intérêts personnels, a simplement sacrifié une pièce importante de l'échiquier dans le but de sauver sa tête (considérant avec qui la ministre prend ses repas on peut parler d'une ouverture sicilienne). Beauchamps, qu'on pouvait pressentir comme étant le dauphin du premier ministre, a connu le même sort que Philippe Couillard, même si le coup ne semble pas être aussi prémédité. Le jusqu'au-boutisme de Jean Charest s'est soldé par l'échec, par l'impasse, et devant le désastre, quelqu'un devait en payer le prix pour satisfaire la base électorale du parti libéral. Dommage que le Canadien ait eu une aussi mauvaise saison, car les séries éliminatoires sont d'efficaces opiacés pour la conscience collective du peuple québécois. Jamais un pour être un martyr, le frisé a cédé la place à son bras droit, qui trouvera vraisemblablement de lucratives compensations dans le secteur privé. Le nouvel emploi de Line Beauchamps, comme celui de Lucien «filière gazière» Bouchard et de Philippe «médecine deux vitesses» Couillard, permettra peut-être de comprendre qui sont les intérêts pour lesquels la démissionnaire travaille réellement. De toute manière, avec une généreuse pension après seulement deux mandats, elle est loin d'être à plaindre.


Les gens auront eu un spectacle.


Line Beauchamps, si personnellement identifiée à la crise étudiante, aura servit de bouc-émissaire et Jean Charest peut maintenant se laver les mains de l'intransigeance qu'il avait pourtant imposé. La nouvelle ministre de l'éducation, Michelle Courchesne pourra alors procéder avec une nouvelle approche, plus conciliante, et la responsabilité de la crise passera davantage sur le dos de Line Beauchamps. Avec la disparition de Line, l'électorat, dupe, croira que le maillon faible est parti et on se remettra à encenser de nouveau Jean Charest et ses «deux mains sur le volant». 


Le peuple sera à la fois stupide et satisfait.




Le seul côté positif que je vois, c'est que l'entourage de Jean Charest se rétrécit comme une peau de chagrin à chaque fois que le premier ministre doit s'assurer de la longévité de sa propre carrière. 




Par contre, les menaces de Line Beauchamps, qui promet d'être sur mon chemin avec l'omnipotence de l'abdication de tous ses pouvoirs politiques en tant que ministre et député, m'empêche vraiment de dormir la nuit...