Thursday, June 30, 2011

VOIX ÉMERGENTES

Les Soirées ART ● CULTURE Autochtones


Depuis septembre 2010, un phénomène nouveau est apparu à Montréal, celui des rendez-vous mensuels que sont les Soirées ART CULTURE Autochtones, destinés aux membres des Premières Nations et aux Inuits résidants dans la métropole, ainsi que tous ceux qui les aiment. Les premiers jeudi de chaque mois, le Café-bar L'Escalier est l'hôte de ces soirées où musique et arts de la scène se conjuguent dans une ambiance conviviale et inclusive. Voilà une habitude qu'on espère voir devenir une tradition.

L'initiative est d'abord née en février 2010 sous la forme des «5 à 7» regroupant les membres du Cercle des Premières Nations de l'UQAM (CPNUQAM) et leurs sympathisants, puis la formule a été améliorée grâce à l'ajout de la participation des organismes du Comité ART ● CULTURE membres du Réseau pour la Stratégie Urbaine de la Communauté Autochtone de Montréal, ainsi que grâce au contenu artistique qui allait devenir le pivot de ces réunions.

L'objectif de ces soirées est d'abord de créer un événement rassembleur capable de réunir les Autochtones qui vivent en milieu urbain, afin que ceux-ci puissent tisser des liens entre eux étant donné qu'ils sont éparpillés aux quatre coins de l'Ile et n'ont pas de quartier dédié auquel ils peuvent s'identifier et développer un sentiment d'appartenance. Le tout, en construisant des ponts avec les Allochtones (cordialement invités à participer à ces soirées), à qui on offre d'apprécier la richesse artistique et culturelle de différentes nations autochtones. Bref, le but est de favoriser le développement d'une solidarité entre Autochtones et avec eux.

Étant donné la faible diffusion des cultures autochtones dans les médias conventionnels (hormis les exceptions que sont Elisapie Isaac, Kashtin et Samian), le second objectif des Soirées Art Culture Autochtones est de mettre en valeur les artistes autochtones auprès de la communauté montréalaise et du grand public, que ce soit l'humour de Mélissa Mollens Dupuis ou le chant attikamekw de Sakay Ottawa, les chansons innues de Danick Duchesne ou le rock maya d'Iqi Balam.

Certes, le festival Présence Autochtone à Montréal, maintenant bien établit dans le Quartier des spectacles, constitue un espace culturel autochtone urbain exceptionnel, mais la fréquence annuelle de l'événement constitue une offre insuffisante à la demande actuelle; à l'instar du Festival international de Jazz de Montréal qui a trouvé une contrepartie hors-saison avec ses soirées «Off Jazz», les Soirées Art Cultures Autochtones aspirent à devenir un complément au rendez-vous estival lancé par Terres en Vue afin que la synergie des efforts de chacun puisse contribuer au mieux-être des Autochtones vivant dans la métropole, ainsi qu'à l'ensemble de la communauté urbaine de Montréal.


À plus long terme, les organismes membres du Comité ART ● CULTURE souhaitent obtenir les appuis financiers et politiques nécessaires à la création d'un centre communautaire culturel autochtone, où seraient diffusées les différentes manifestations culturelles des Premières Nations (des expositions, des performances, des ateliers, des discussions, des tables rondes, des lectures, des formations et différents autres types de projets, d’événements ou d’activités) à une fréquence plus élevée, les rendant ainsi davantage accessibles au grand public qui bénéficierait de cet apport culturel et artistique accru. Car, il ne faut pas l'oublier, les Autochtones ne sont pas là que pour revendiquer, ils ont quelque chose à offrir: la richesse de ses cultures qui ont tant donné au Québec, à commencer par ses plus importants attributs identitaires, comme son nom.

Si nous souhaitons faire rayonner une culture originale au Québec,
nous devons continuer à la vivre ensemble.


Liste des soirées ART ● CULTURE Autochtones 
(2010-2011)


Soirée ART • CULTURE autochtone 1
Soirée de la lancement
9 septembre 2010

Soirée ART • CULTURE autochtone 2
avec Sakay Ottawa
7 octobre 2010

Soirée ART • CULTURE autochtone 3: Ton coeur fleurit !
Soirée hommage à Lisandro Guarcax Gonzaléz
avec Dany Bacon
et Iqi Balam et sa Banda de Gaza
4 novembre 2010
 
Soirée ART • CULTURE autochtone 4
avec Kathia Rock
2 décembre 2010
Soirée ART • CULTURE autochtone 5
avec Caro et Sola
6 janvier 2011

Soirée ART • CULTURE autochtone | Hommage à Richard Fontaine
prestation de Kathia Rock
3 février 2011
 
Soirée ART • CULTURE autochtone 7
avec Shauit, l'Innureggaeman
3 mars 2011

Soirée ART • CULTURE autochone 8
avec Joséphine Bacon, Laure Morali et Kathia Rock
7 avril 2011

Soirée ART • CULTURE autochtone 9
avec Anishnabe
première partie de Warrior Minded et the Arrongant Hippie
5 mai 2011
 
Soirée ART • CULTURE autochtone 10
avec Pascal Ottawa
2 juin 2011




Pour en connaître davantage sur les soirées ART CULTURE Autochtones,
vous pouvez contacter le CPNUQAM aux coordonnées suivantes:


Cercle des Premières Nations de l'UQAM (CPNUQAM)

Téléphone: (514) 987-3000 poste 6793
Courriel: cpn@uqam.ca
Site internet: www.cpn.uqam.ca

(aussi sur Facebook)


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Affiche: graphisme de Christine Sioui Wawanoloath

Article originalement paru chez Génération d'Idées (30 juin 2011)
http://www.generationdidees.ca/idees/voix-mergentes-les-soires-art%E2%97%8Fculture-autochtones/

Sunday, June 26, 2011

Élections fédérales 2011: Bilan

Lors du 2 mai 2011, le Canada a connu des élections fédérales qui ont changé significativement la carte électorale du Québec. 5 partis ont émergé avec des candidats élus:

Le Bloc Québécois: 4 sièges
Le Parti Libéral du Canada: 34 sièges
Le Nouveau Parti Démocrate: 103 sièges
Le Parti Conservateur du Canada: 166 sièges
Le Parti Vert: 1 siège

Au-delà des chiffres, d'autres éléments et des interprétations de ceux-ci ressortent. Je ne nierai pas ma préférence pour le Bloc Québécois, ni prétendrai être objectif: un blog n'a tout simplement pas les mêmes restrictions que le journalisme.


1. Shaka Zulu !

Le cas du Bloc Québécois (BQ)
(4 députés élus au Québec)


La formation en coin
Dans un premier temps, quand on parle des Conservateurs, grands rivaux du Bloc Québécois, une expression qui est souvent utilisée pour décrire le genre de campagne électorale qu'ils mènent est celle de wedge politics, une pratique qui implique notamment le recours à des sujets controversés, comme le registre des armes à feu (qui oppose les députés ruraux du NPD de leurs équivalents urbains), dans le but de semer la division au sein des rangs adverses. Visuellement, et si on se permet l'emploi de la métaphore, on peut dire que le wedge politics ressemble conceptuellement à la tactique de la formation en coin (flying wedge), souvent employée par la cavalerie pour disperser les foules: le recours aux sujets controversés et les attaques personnelles sont la pointe de ce triangle qui «perce» le camp adverse, alors que la base du triangle est l'ensemble des militants conservateurs, bien endoctrinés, qui poursuivent le martèlement du message initial.  Au niveau des tactiques militaires, une défense contre ce type d'attaque est une formation en «dents de scie» dont le but est éventuellement d'encercler l'adversaire; sur le plan politique, la façon de combattre les Conservateurs au Québec passe par le recours au vote stratégique, en favorisant, comté par comté, le candidat (la «pointe de la dent de scie») qui a les meilleures chances de battre le représentant local de Stephen Harper.


Dans un second temps, avec l'image ci-dessous, on pouvait déjà prévoir le recul du Bloc Québécois durant la campagne électorale en représentant les camps adverses avec la tactique des cornes de buffles (une variante du modèle à dents de scie),  historiquement employée par le célèbre Shaka Zulu



Alors que normalement le Nouveau Parti Démocrate (NPD) joue un rôle négligeable dans la politique fédérale chez les Québécois, et qu'auparavant le Parti Conservateur du Canada (PCC) avait connu une longue décennie de «purgatoire réformiste» rendant  impossible l'élection de la plupart de ses candidats en sol québécois (jusqu'à un «changement de vent à Québec») en 2011, c'était différent: le succès de Jack Layton au débat des chefs et ce qui restait du «vent de conservatisme» de la ville Québec allaient menacer le Bloc Québécois sur ses flancs, à gauche autant qu'à  droite. La traditionnelle tactique de la formation en coin que le Bloc Québécois utilise contre le Parti Libéral du Canada, l'éternel adversaire fédéraliste vers lequel se focalisent  les énergies, n'allait pas porter fruit cette fois-ci pour les forces souverainistes.

Je m'attendais donc à un recul, important même.

Ce qui a surpris au moment des élections, c'est qu'il n'y a pas eu qu'un simple recul du Bloc Québécois, mais l'effondrement du parti au complet, y compris dans des bastions comme la circonscription de Hochelaga-Maisonneuve. Je suis déçu, j'ai longtemps appuyé ce parti et je ne considère pas encore retirer cet appui, mais il y a des réflexions importantes à faire sur l'avenir du Bloc Québécois, notamment avec un renouvellement du leadership qui laisse plus de place à la «génération Y» et une mise à jour du discours souverainiste en délaissant les vieilles façons d'aborder l'État-Nation, le «folklore» conservateur-nationaliste anti-anglais et un certain repli sur soi, en faisant de la souveraineté, dans un contexte de mondialisation qui s'accroît sans cesse,  un levier essentiel pour l'essor du Québec autant au niveau économique, écologique, politique que culturel. La question d'un régime républicain devrait aussi être abordée. Bref, il faut arrêter d'être contre le Canada, ce pays voisin, et pour l'indépendance du Québec, non sur la base de notre ethnie, mais de nos institutions démocratiques. Peut-être aussi que si dans un contexte de gouvernement minoritaire, il est facile d'expliquer à l'électorat québécois le rôle que joue le Bloc en détenant la balance du pouvoir, un important outil de négociation pour les intérêts du Québec, ce rôle devient moins évident au sein d'un gouvernement majoritaire, où la position en tant que troisième parti relègue quasiment les députés de ce parti aux oubliettes.

Ce qui serait une ratée pour le Bloc Québécois, ce serait de ne pas tenir compte du message que semble envoyer l'électorat qui traditionnellement l'appuie (ce que souligne le candidat défait Daniel Paillé), et de passer immédiatement à une course à la chefferie, comme l'a proposé hâtivement l'ancien député bloquiste Pierre Paquette. Par moment, la sortie de Pierre Paquette me fait penser à un Julius Nepos ou à un Romulus Augustule qui voudrait encore réclamer ses titres, alors que la carte a été complètement redessinée et que de nouveaux sont sur le terrain. Mais bon, il est trop tôt pour dire si la «vague orange» aura eu un effet durable sur les habitudes de vote des Québécois.

Pour le mieux-être du mouvement souverainiste, cette remise en question devrait aussi être effectuée chez le Parti Québécois avant les prochaines élections provinciales, mais avec le leadership actuel de ce parti, la défaite du Bloc est probablement un aperçu de la défaite prochaine de Pauline Marois au niveau provincial. Déjà que le départ de pierres angulaires que sont Louise Beaudoin  (de loin ma préférée) et Pierre Curzi annonce que cette remise en question grandement nécessaire du Parti Québécois a peu de chances d'aboutir.



Découragé du PQ et de sa politicaillerie électoraliste sans vision, répugné par François L'Ego et sa coalition fédéraliste déguisée (comme un cheval de Troie), trouvant Amir Khadir sympathique mais Québec Solidaire trop radical, je fais parti du lot d'«orphelins politiques» qui adopte une position attentiste jusqu'à ce qu'une formation puisse. 

Peut-être aussi que l'émergence du mouvement Cap sur l'indépendance, une coalition d'organismes souverainistes, marque chez la population la fin de l'«impartition» de la cause de la souveraineté du Québec auprès du Bloc Québécois et du Parti Québécois et une prise en charge du projet par les militants eux-mêmes.


2.  La «dionisation» se poursuit...
     
Le cas du Parti Libéral du Canada (PLC) 
(7 députés élus au Québec)

D'autre part, et on ne le souligne pas assez dans les médias, le Parti Libéral du Canada (PLC) s'est lui aussi écroulé. Pourtant, après le passage de Stéphane Dion et son leadership tiède, on aurait cru que le parti était déjà au fond du baril et ne pouvait que regagner des points dans les sondages. Et après tout, le Parti Libéral, c'est le parti du centre, c'est le parti de «gouvernance naturel»... non? Apparemment, Ignatieff a pitoyablement échoué, rendant apparente que la «dionisation» du PLC n'était pas terminée, elle avait seulement pris une nouvelle forme. Un des problèmes du PLC, qui l'est autant pour le Bloc Québécois, c'est que si la diabolisation de Stephen Harper a porté fruit auprès de l'électorat de la Belle Province, on s'est néanmoins retrouvé un peu dans la même situation que l'élection présidentielle américaine de 2004, c'est-à-dire que bien qu'une grande proportion de gens étaient convaincus de voter contre George W. Bush, peu étaient motivés de voter pour John Kerry. Ainsi, il semblait se dresser deux camp, le premier étant celui des Conservateurs, le second étant celui de tous les autres confondus, rendant la tâche difficile à Michael Ignatieff de se démarquer du lot, et ce même malgré l'absence d'Elisabeth May au débat des chefs, pour des raisons obscures (décidées de manière anti-démocratique par le consortium de diffuseurs). Un second problème est la méthode traditionnelle qu'utilise le Parti Libéral du Canada pour se faire élire: se positionner au centre-gauche durant les élections et puis gouverner à partir d'une position centre-droite en cours de mandat. Or, en étant du côté gauche, où le NPD et le Bloc Québécois y cherchent aussi des votes, ceci a laissé le champ libre au gouvernement Harper dans le côté de droit de l'électorat. Et l'électorat gauchiste, ayant le choix entre une «pseudo-gauche» du PLC ou une «vraie gauche» d'un NPD qui pour une chance de se faire élire, a choisi davantage le camp de Layton.

Personnellement, je crois que  pour augmenter ses chances Michael Ignatieff aurait du faire campagne en tant que chef d'un parti centre-droite, fiscalement responsable comme en avait la réputation de l'être Paul Martin lorsqu'il était ministre des finances, afin de jouer dans le terrain des conservateurs modérés et d'y faire des gains.


En l'absence de crise constitutionnelle et avec une réputation ternie par le scandale des commandites, le PLC a du plomb dans l'aile. Se pourrait-il que le Bloc Québécois et le Parti Libéral, deux adversaires acharnés, soient devenus les deux faces d'un même sous noir, et que personne n'en veut? La chute de «l'épouvantail» libéral peut-elle être la cause de la déchéance simultanée du Bloc? Si oui, alors Justin Trudeau pourrait devenir paradoxalement le «sauveur» du Bloc Québécois en faisant des gains pour le Parti Libéral aux prochaines élections en 2015. Ce genre de contradiction n'est pas sans rappeler le modèle politique des Bootleggers and Baptists, selon lequel des adversaires peuvent soutenir une même position, comme l'interdiction de la vente de l'alcool, mais sur des bases morales complètement différentes: pour les Baptistes, cette mesure permet de promouvoir la sobriété au sein de leur communauté, alors que pour les bootleggers, cet interdiction permet d'augmenter la taille d'un marché qui ne souhaite pas changer ses habitudes de consommation; chacun des deux groupes lutteront pour que l'interdit reste en place.




3. Révolution orange?

Le cas du Nouveau Parti Démocrate (NPD)
 (59 députés élus au Québec)

Là pour rester?
Puis il y a la question du Nouveau Parti Démocratie (NPD): le ballon orangé va-t-il dégonflé dans les prochaines années? Dans les prochaines semaines? À l'instar de l'ADQ (qui autrefois faisait curieusement campagne sous une bannière orangée) en 2007 (au niveau provincial), le NPD a fait des gains considérables qui ont porté au pouvoir plusieurs politiciens inexpérimentés qui, eux, normalement ne devaient pas s'attendre à être élus. La victoire du NPD au Québec s'explique en partie par une bonne performance au débat des chefs de la part de Jack Layton et d'une importante visibilité de son lieutenant Thomas Mulcair,  en plus de la difficulté de connexion de Duceppe avec sa base  (notamment à cause du slogan peu inspirant «Parlons Qc») la diabolisation (parfois méritée) de Stephen Harper et un leadership de calibre «gérant de Tim Horton» d'Ignatieff auprès des ses troupes libérales. Élevé pour la première fois au rang d'opposition officielle grâce en bonne partie au Québec, le NPD représente peut-être mieux les intérêts et les valeurs progressistes du Québec dans un contexte de gouvernement conservateur majoritaire que ne le ferait le Bloc en tant que troisième parti. Il va falloir que les héritiers du Duceppe trouvent des arguments solides pour regagner l'appui populaire et/ou que le NPD fasse un travail bâclé avec le mandat que le Québec lui a confié.

Reste à savoir, une fois l'effet lune de miel passé, à qui profitera la baisse d'appuis pour le NPD?


4. L'insignifiance du Réseau Liberté-Québec et l'échec de la démocratie confirmées.

Le cas du Parti conservateur du Canada (PCC)
(5 députés élus au Québec)

Fondé l'automne dernier, probablement pour donner du boulot à deux anciens conseillers de l'équipe de Mario Dumont après que ceux-ci aient contribué à la débâcle de ce parti sur la scène provinciale, notamment en encourageant le chef de ce parti à tenir un discours plus à droite que d'habitude,  mon réverbère quotidien qu'est le Réseau «Libarté» Québec (RLQ) se veut être une reprise des activités du Tea Party américain, même si ce mouvement prétend le contraire. Le but avoué de ce groupe est, dans un premier temps, de réseauter l'électorat à droite, afin de fidéliser des électeurs dociles qui appuieront, selon les besoins, le Parti Conservateur sur la scène fédérale, et l'Action démagogique démocratique du Québec sur la scène provinciale; dans un second temps, l'objectif est d'utiliser cet électorat fidélisé pour faire pression, en tant que lobby sur ces deux partis politiques afin que ceux-ci prennent davantage un virage à droite. Une droite fiscale plutôt que morale, dit-on, mais c'est tout de même curieux qu'un de ses leaders, Roy Eappen, est un monarchiste chrétien... Troisièmement, ce groupe populiste sert d'echo chamber pour les autres lobbys de droite déguisés en think tanks, que ce soit le Fraser Institute ou l'IEDM, et les médias propagandistes, du genre Sun News et Québécor: à force de répéter le même message bidon, on espère créer assez de sensationnalisme pour faire passer n'importe quoi...  Dans un quatrième temps, le but réel qui résulte des étapes précédente est de fournir des sinécures et des tribunes à Éric Duhaime et Johanne Marcotte, les deux anciens conseillers de Mario Dumont, dont l'incompétence est manifeste quand on compare les résultats des élections provinciales de 2007 (41 députés élus lors de la «vague adéquiste») avec la débâcle de 2008 qui réduit cet opposition officielle provisoire à une peau de chagrin de 7 députés.

Aux élections fédérales, que furent le résultat de ce lobby qui mascarade en mouvement populaire?

Après un film mauvais travesti en documentaire, deux congrès qui attirent moins de gens qu'un bal de finissants, une panoplie d'apparitions médiatiques injustifiées (surtout sur la chaîne TVA et les autres filiales de Québécor),  l'appui des radio-poubelles de Québec et toute un lot de mobilisations via Facebook et Twitter, il y a eu seulement 5 députés conservateurs élus au Québec, une chute de 50% par rapport aux résultats de 2008, où les 10 députés élus au Québec sous l'effet du «vent de conservatisme» émanant de la Vieille Capitale. Terminus aussi pour André Arthur. Non seulement c'est un recul pour la droite au Québec (ce que je suis loin de pleurer), mais en appuyant massivement le NPD l'électorat québécois est passé davantage à gauche qu'il ne l'était avec le Bloc Québécois, un parti davantage «parapluie», regroupant différentes tendances politiques (qui sont tout de même plus progressistes que celles retrouvées en Alberta). Bref, on voit l'efficacité de Marcotte et Duhaime...

Au niveau pancanadien, la disparition du Bloc Québécois au profit du NPD à l'intérieur du Québec, et l'élection d'un gouvernement majoritaire conservateur dans le ROC illustre que même sans parti souverainiste à Ottawa, on est loin de la fin de deux solitudes, le Québec et un Canada qu'on a du mal à reconnaître tellement qu'il est imprégné de la doctrine Bush, sont maintenant confrontés dans une lutte entre les éléments plus progressistes de la Belle Province et les larbins conservateurs, le tout un peu à l'image du Culture War des États-Unis.

Finalement, que dire d'un gouvernement «majoritaire» ayant récolté seulement 39.9% des voix? Il semble aberrant de continuer à fonctionner encore avec le système de scrutin uninominal à un tour, quand on remarque que Harper ne peut légitimement représenter la majorité des Canadiens et des Québécois quand l'ensemble de ces populations combinées ont à 60.1% contre le parti conservateur, soit ce qu'on appelle une majorité absolue en démocratie. De sérieuses réformes électorales sont nécessaires, mais avec ce n'est pas le PCC qui va élargir le pouvoir des citoyens face aux grandes entreprises.



5. Un joueur de trop, ou un jeu mal conçu?


Le cas du Parti Vert du Canada
(0 députés élus au Québec)

Exclue du débat des chefs par un consortium médiatique qui fixe arbitrairement les règles, Elizabeth May est parvenue tout de même à se faire élire, ce qui est une première pour le Parti Vert du Canada, triomphe autant glorieux qu'il a été atteint malgré la mauvaise foi de médias et à contre-courant de la vague conservatrice dans le ROC. Les médias disait qu'elle était une candidate de trop, d'un parti sans députés élus, représentant un électorat marginal, qu'elle n'avait aucune chance d'être réellement élue comme chef d'État (...et pourtant on invite Duceppe?). Mais qui donne le droit à ce consortium de fixer les règles? Il semble anti-démocratique d'exclure Elizabeth May du débat, surtout quand on constate que plusieurs de ses médias sont dans le même lit que certaines formations politiques: les liens entre Power Corporation et le PLC sont déjà évidents, tout comme ceux de Québécor et de Sun Media avec le PCC. Par moment, on pourrait quasiment dire que ces firmes sont les ailes médiatiques de partis politiques, notamment dans le cas de Sun News Network, et que la décision d'exclure le Parti Vert du débat est une manoeuvre politique déguisée par les chaînes de télévision par le prétexte selon lequel «trop de candidats rend le débat confus pour l'auditoire» et qu'on aimerait bien «retrouver les duels d'antan entre le bleu et le rouge qui plaisent davantage au public» parce qu'ils sont plus simples à comprendre. Et évidemment, quand on pense que le PCC est le grand ami des pétrolières et que le PLC a tout de même des liens avec Total via Paul Desmarais, l'idée de mettre des bâtons dans les roues d'un parti écologiste n'est pas sans gain pour ceux qui contribuent aux caisses électorales de ces partis respectifs.

D'autre part, la présence du Parti Vert cause aussi problème pour les électeurs davantage progressistes, dans la mesure où dans le système électoral canadien, qui a un problématique scrutin uninominal majoritaire à un tour, c'est le candidat ayant obtenu plus de votes qui l'emporte, peu importe s'il a moins que 50%+1 des voix (comme on le constate avec l'aberrant gouvernement «majoritaire» conservateur, appuyé seulement par le tiers des Canadiens). Ce qui signifie qu'au Québec autant qu'au Canada, lorsque le PLC, le NPD, le Bloc Québécois, le Parti Vert et un lot de partis marginaux se querellent pour l'électorat progressiste, cette division du vote est surtout bénéfique pour l'électorat conservateur capable de rester uni par la partisanerie. Dans cette mesure, le Parti Vert est «nuisible» pour la gauche. Inversément, quand la gauche fait appel au vote stratégique pour vaincre le candidat conservateur d'un comté, le Parti Vert est le premier à écoper.

Bref, à gauche ou à droite, le Parti Vert du Canada est un «joueur de trop».

Il y aurait peut-être la possibilité que le Parti Vert intègre le NPD ou le Parti Libéral du Canada en tant que «club politique», un peu comme l'a été brièvement le SPQLibre dans le Parti Québécois, ce qui éviterait de diviser le vote progressiste, et de donner une possibilité aux Verts d'influencer la plate-forme électorale d'un parti qui a de meilleures chances de l'emporter. Une autre solution, pas immédiatement réalisable, est de changer le système électoral pour un scrutin proportionnel, qui représente mieux la population (peut-être que ce système est jugé plus instable, mais si même Israël peut se permettre d'avoir un système proportionnel dans une région troublée, le Canada peut largement se le permettre, son seul conflit d'importance étant avec le Danemark pour quelques arpents de neige).



6. Réformes souhaitables: mes recommandations

Brièvement je considère les points suivant comme étant le point de départ d'une démocratie améliorée:

1. L'abolition de la monarchie

Une société démocratique doit être fondée sur l'égalité juridique entre citoyens, et non formée de sujets obéissant à une monarchie qui réclame un droit divin d'une entité imaginaire. À ceci se rajoute l'élimination des postes de gouverneur-général, lieutenant-gouverneurs et tout le reste de cet appareil politique inutile et illégitime.

2. Séparation du législatif et de l'exécutif

Afin d'éviter une concentration du pouvoir et un dérapage anti-démocratique, le législatif (la Chambre des Communes) et l'exécutif (le Premier Ministre et le Cabinet) doivent être séparés, de façon à ce qu'ils exercent mutuellement sur eux-mêmes un système de poids et de contre-poids (checks and balances), comme dans le gouvernement américain. Avec l'abolition de la monarchie, le poste de Premier Ministre deviendrait un poste de Président.

3. Élections présidentielles (exécutif) à deux tours

Bien que tenté par le système de scrutin proportionnel, je dois remarquer que le scrutin uninominal  majoritaire à deux tours garanti tout de même une majoritaire absolue (50%+1) du Président. Donc, fini les premiers ministres «majoritaires» élus seulement avec seulement le tiers de la population. De plus, lors du deuxième tour, les médias auraient l'opportunité de finalement l'avoir ce «duel des chefs».

4. Formation du Cabinet selon le système des dépouilles (spoils system)

Le président, élu avec une majorité absolue, choisirait son Cabinet selon le système des dépouilles (spoils system) permettant ainsi de placer (théoriquement) des gens compétents à la tête de ministères. Il semble un peu anti-démocratique d'avoir des ministres qui ne sont pas élus par la population, mais il faut se rappeler que d'avoir des ministres comme Maxime Bernier ou Pauline Marois n'est pas à l'avantage de qui que ce soit. Pour équilibrer le tout, la Chambre des Communes aurait un droit de veto (deux tiers de la chambre) sur les nominations des ministres.

5. Élections présidentielles à dates fixes, mandat de 5 ans. Limite de deux mandats consécutifs.

Afin d'éviter les «dynasties» qui s'installent un peu trop longtemps avec leurs «clientèles», comme c'était le cas avec Jean Chrétien et Pierre Elliot Trudeau, le nombre de mandats devrait être limité comme aux États-Unis à deux consécutifs. Ces mandats devraient être à date fixe (e.g.: le 1er lundi de novembre) afin d'éviter que le Président puisse par opportunisme déclencher des élections dont le timing lui serait avantageux.

6. Élections législatives des comtés, à deux tours.

Encore une fois, bien que je suis tenté par le scrutin proportionnel, le recours au deuxième tour permet d'atteindre une majorité absolue. Reste à aux électorats canadiens et québécois à participer davantage au processus électoral, ce qui est loin des habitudes actuelles. Le système des circonscriptions («comtés») serait maintenu pour assurer aux gens une représentation selon des intérêts régionaux et locaux, bien qu'il reste tout de même d'énormes problèmes liés au découpage arbitraire et partisan de ces comtés (gerrymandering), qui présentement sous-représentent les régions urbaines du Québec, au profit de circonscriptions dépeuplées en régions.

7. Abolition du sénat, non-élu.

Ou bien on réforme le sénat de manière à ce qu'il devienne une chambre élue du gouvernement (mandats de 5 ans), ou alors on abolit cette branche du gouvernement législatif où sont placés anti-démocratiquement les «clients» du premier ministre.

8. Députés ont des mandats fixes, de 5 ans. Limite de 2 mandats consécutifs.

Pour éviter que s'inscrutent trop longuement des «politiciens de carrières» et favoriser le renouvellement de la classe politique (je déteste ce mot), les députés devraient être limités à deux mandats. On peut tous prendre une pause de Stéphane Dion ou de Denis Coderre.


9. Interdire la publicité en campagne électorale

Terminée la pollution visuelle à la télévision, et celle bien réelle de tout ces panneaux électoraux qui termineront à la poubelle. De toute façon, avec la publicité, ce sont les partis qui ont les coffres les mieux remplis qui sont avantagés. Et ai-je vraiment besoin de voir le visage de Justin Trudeau sur une pancarte pendant 1 mois?


10. Interdire la diffusion de sondages d'intention de vote en période électorale

Quand on sait que la firme Jean-Marc Léger, de Léger Marketing, siège sur le conseil d'administration de TVA, une branche de Québécor, ce conglomérat médiatique au service de la droite, on peut constater certains conflits d'intérêts qui peuvent survenir quand à l'objectivité et à la rigueur des sondages. Ces sondages en périodes électorales peuvent partiellement expliquer l'effet «boule-de-neige» qui permet à des vagues adéquistes et néo-démocrates, étant donné que certains électeurs préfèrent «gagner leurs élections» et ont peu de convictions politiques réelles, alors que d'autres agissent de manière similaire avec le vote stratégique pour voter contre un candidat, plutôt que celui réellement de leur choix.


11. Financement 100% public des élections

Les élections doivent servir à représenter les intérêts des gens réels et non celui des entreprises, qui étant de simples abstractions organisationnelles, ne sont pas réellement imputables de leurs actions (e.g.: la Blackwater Worldwide, bien qu'elle a été démantelée, est tout de même réapparue plus ou moins intacte sous la bannière Xe). L'idée de laisser à des firmes la possibilité contribuer aux caisses électorales semble dommageable pour l'idéal démocratique d'égalité juridique entre citoyens. D'autre part, un système qui permet à certains citoyens plus nantis à contribuer davantage que d'autres ressemble à de la ploutocratie... Avec un système public de financement des partis, chaque vote obtenu au premier tour donnerait un montant aux partis (e.g.: 2$ par vote, ajusté à l'inflation à chaque année).
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Images (domaine public)

Flying wedge: http://en.wikipedia.org/wiki/Flying_wedge

Tuesday, June 21, 2011

Les grandes chansons: Voilà C'que Nous Voulons

Malgré la débâcle du Bloc Québécois et l'effondrement du Parti Québécois, le projet d'indépendance du Québec reste bien vivant dans les coeurs des souverainistes. Ce projet qui se veut laïc, démocratique et ouvert sur le monde est assez clairement expliqué par Paul Piché.


Voilà C'que Nous Voulons
(Paul Piché)

Non, y'a rien qui nous gêne
de s'afficher à ses côtés
non, il n'est pas qu'un vieux rêve
il est aussi c'qu'il a semé
c'qu'on veut n'a pas d'odeur
de sang, de race ou de religion
tous nos espoirs sont à l'heure
d'une cité libre sans cloison
on ne veut pas s'isoler
ni rien qui nous renferme
que notre volonté soit citoyenne
soumise à la seule race humaine
voilà c'qui nous voulons
sur ce coin de la terre
voilà c'que nous cherchons
une voile pour la mer
les acteurs sont en scène
le rideau ne veut pas lever
on exigerait qu'ils obtiennent
une permission d'exister
on ne veut ni d'un droit
ni d'votre autorité
que notre volonté soit sans oeillères
on ne veut plus de ces frontières
voilà c'que nous voulons
sur ce coin de la terre
voilà c'que nous cherchons
une voile pour la mer
non c'est pas l'bout d'nos peines
se tenir droit sans déployer
l'étendard de la haine
le seul qu'il faudra piétiner
cessez d'vous demander
comment nous satisfaire
que notre volonté soit sans mystère
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Sunday, June 5, 2011

Des colporteurs de pseudo-science


Dans le texte L'Hystérie des faux-jetons, Robert Deschamps, membre du Réseau «Libarté» Québec est allé de l'avant avec bon nombre d'arguments douteux. Gagnant dans le lot d'inepsies est le commentaire suivant:


«Dès lors, et il semble qu’il faille le répéter, la première chose à faire pour rendre le système scolaire véritablement productif, c’est de le redécouper de façon à créer divers types d’écoles qui correspondent aux différents profils psychogénétiques qui composent la population. L’idée que tous les individus appartenant à une société donnée puisse franchir avec succès un parcours scolaire unique et universel, à caractère fondamentalement académique, est un fantasme profondément malsain. En fait, si un programme de formation devait conduire à un taux de réussite de 100%, cela ne signifierait qu’une chose : la somme des connaissances que celui-ci représenterait ne vaudrait pas très cher, puisque le moins intelligent des élèves serait parvenu à se les approprier! »



Le RLQ est tourné vers l'avenir?

Stephen Jay Gould peut facilement argumenter le contraire.


LA MAL-MESURE DE L'HOMME

Ce type de théorie concernant les supposés profils psychogénétiques n'est que la nouvelle incarnation de la même foutaise que certains colporteurs de pseudo-science, tous politiquement intéresssés, ont avancé depuis le XIXe siècle, un mensonge qui refait périodiquement surface selon les cycles politiques et économiques. Dans son ouvrage La Mal-Mesure de l'homme (The Mismeasure of Man), Gould fait une critique étoffée et rigoureuse de plusieurs de ces théories en dénonçant comme erronnées les trois suppositions suivantes: (1) le déterminisme biologique, (2) l'unimodalité de l'intelligence, et (3) le caractère inchangeant de celle-ci.


1. Le déterminisme biologique

Par l'expression de déterminisme biologique, ce qu'on veut dire c'est que les caractéristiques d'un individu, dont l'intelligence, sont entièrement héréditaires, donc innées. Je ne relancerai pas le débat entre l'inné et l'acquis (nature versus nurture) parcequ'il n'y a pas d'arbitrage à faire entre deux catégories qu'on prétend mutuellement exclusives vues que de toute évidence il y a des intéractions entre l'environnement externe dans lequel l'individu évolue et les composantes internes de cette personne: une personne dotée du meillleur «profil psychogénétique» possible qui n'a pas accès à une éducation convenable et qui souffre de malnutrition durant son enfance n'atteindra pas les sommets intellectuels auxquels les biologistes l'ont prédestinés (importance de l'environnement); un élève atteint de trisomie 21, même avec les meilleurs aidants, plafonnera éventuellement dans son cheminement académique (importance de l'inné), mais ceci ne veut pas dire qu'il ne faut pas l'aider. En guise de comparaison avec le milieu des affaires, certaines entreprises possèdent des avantages concurrentiels au sein de l'environnement interne de leurs organisations («l'inné»), par exemple un savoir-faire particulier ou un brevet, mais ces avantages sont restreints ou encouragés selon la conjoncture économique et les nombreux autres facteurs de l'environnement externe («l'acquis»). Alors vouloir encore endosser des idées de déterminisme biologique, où on ne considère que l'inné pour définir les comportements et les capacités mentales d'une personne, est complètement dépassé. Mais bon, le RLQ a toujours de la difficulté à se détacher des vieilles idées qui ne fonctionnent pas, préférant se livrer perpétuellement à des surenchères irationnelles plutôt que de voir la réalité.


2. L'unimodalité de l'intelligence

L'expression de l'unimodalité de l'intelligence signifie simplement que certaines personnes considèrent que l'intelligence ne peut que prendre une seule forme quantifiable, par exemple celle du quotient intellectuel. Les profils psychogénétiques dont parle Robert Deschamps ne sont qu'une autre représentation unimodale de l'intelligence, tout comme le poids du cerveau ou la crâniométrie du XIXe siècle, alors que les recherches actuelles montrent des relations complexes entre les différents cortex du cerveau. Et qui dit quantification de l'intelligence dit nécessairement hiérarchisation des résultats, et ces résultats sont toujours curieusement plus favorables pour certains, notamment à cause des biais culturels retrouvés dans les tests. En hiérarchisant, certains se trouvent aux niveaux inférieurs d'une échelle donnée, d'autres occupent les niveaux supérieurs. Quand on combine la hiérarchisation à une vision dualiste de la réalité (inférieur versus supérieur) et à un manque de rigueur de la part de ceux qui construisent les examens évaluant, un manque lié soit à des éléments inconscients (comme le biais culturel) ou conscients (pièges de confirmation, sexisme, racisme, préjugés), on obtient alors des résultats faussés, généralement favorables aux représentants masculins de la race blanche, issus des classes sociales aisées, et défavorables envers ceux qui ne font pas partie de ce segment démographique. Ainsi l'idée de «créer divers types d’écoles qui correspondent aux différents profils psychogénétiques qui composent la population», qui semble extraite de Gattaca ou de Brave New World, est l'absurde aboutissement d'une conception unimodale et hiérarchisée de l'intelligence et un dangereux projet visant à promouvoir la création d'un système de «castes» que légitimerait de la pseudo-science.

Dans la réalité, ce qu'on définit comme étant de «l'intelligence» n'est que le résultat d'une réification, c'est-à-dire la transformation d'un concept abstrait en un objet concret. Le Q.I. ne mesure pas l'intelligence proprement dite, mais la capacité d'un individu à réussir des tests de Q.I. et à se qualifier pour l'institut Mensa. De plus, il est possible de se préparer dans le but spécifique de mieux réussir un test de Q.I. La transformation d'un concept abstrait comme l'intelligence en un object concret comme un profil psychogénétique est la même erreur de réification. La réification cause aussi problème dans la capacité d'analyse économique du RLQ, notamment la vision des membres de ce mouvement qui n'est limitée qu'aux flux monétaires et à quelques indices chiffrés, alors que la réalité englobe un système plus vaste d'échange de biens et de services qui ne se retrouvent pas tous sur les marchés, ainsi que des externalités dont les impacts peuvent être difficilement à quantifier (e.g.: pollution), bien qu'ils soient réels, tout comme c'est aussi le cas pour certains actifs intangibles des institutions et des entreprises (e.g.: patrimoine que laisse la firme Molson sur la vie montréalaise).


3. Le caractère inchangeant de l'intelligence

Quand on demande à de très jeunes enfants s'ils ont déjà été des bébés, ils diront que non, parce qu'ils n'ont pas encore conscience de l'effet du temps sur eux-mêmes. Ils se croient permanents et inchangeants. Le mot ipséité désigne cette fausse impression.

Une autre fausse impression serait de croire que les autres ne peuvent changer au fil du temps et de leurs expérience. Dans le désolant texte de Robert Deschamps, nous retrouvons les affirmations erronnées suivantes:

«Enfin, le concept de «difficultés d’apprentissage» est une autre illusion démente et extrêmement dispendieuse. L’idée que l’échec scolaire ne découle, en fait, que de certains blocages psychologiques, lesquels peuvent être aplanis par l’orthopédagogie, la psychopédagogie ou toute autre forme de sorcellerie éducative, ne correspond tout simplement pas à la réalité du monde matériel dans lequel nous visons. La vérité, c’est que certaines personnes n’ont pas la capacité d’acquérir certains types de savoir. »


Comme je l'ai déjà dit, si des individus peuvent plafonner à cause de certaines contraintes biologiques comme la trisomie 21, l'aide apportée par le système scolaire amène tout de même l'individu plus près du sommet qui lui est possible d'atteindre, alors que la négligence et l'absence de stimulation intellectuelle peuvent empêcher cette personne d'atteindre son plein potentiel. La proposition avancée sert surtout à légitimiter une forme d'élitisme et des mesures d'austérité. Comme rajouterait Stephen Jay Gould (p.23):

«Pourquoi dépenser de l'énergie et des subsides pour essayer d'élever le QI, de toute façon imperméable à l'amélioration, des races ou de classes sociales se trouvant au bas de l'échelle sociale? Ne vaut-il pas mieux simplement accepter le triste diktat de la nature et faire des économies substantielles sur le budget de l'État (ce qui, d'ailleurs, pourrait faciliter les réductions d'impôts accordées aux riches)? Pourquoi vous étonner de la sous-représentation des groupes désavantagés dans votre secteur d'activité (source de confortables revenus et d'une importante considération sociale), si une telle absence ne fait que traduire une aptitude inférieure, déterminée biologiquement, chez la plupart des membres de ces groupes, et ne découle pas des handicaps sociaux qui leur sont imposés actuellement ou leur ont été imposés autrefois? (Les groupes ainsi stigmatisés peuvent être caractérisés par la race, la classe, le sexe, une façon particulière de se comporter, une religion, ou une nation d'origine. Le déterminisme biologique est une théorie générale, et les tentatives actuelles de rabaisser un groupe donné constituent l'exemple même auquel doivent prêter attention tous les autres groupes susceptibles d'être à leur tour victimes d'attaques semblables en d'autres lieux et d'autres moments. En ce sens, l'appel à la solidarité entre les groupes que l'on cherche à dévaloriser n'est pas un discours politique creux, et, loin de le critiquer, il faut au contraire l'applaudir, en tant que réaction appropriée à des attaques menées sur des bases similaires.)» 



NOUVEAU MOUVEMENT, VIEILLES IDÉES


Évidemment, la position officielle du Réseau Liberté-Québec n'est pas la même que Robert Deschamps: grâce à une stratégie «chicken», le RLQ est juste assez à droite pour attirer les réactionnaires, et quand ceux-ci vont un peu trop loin selon les gourous de ce mouvement, ils se dissocient rapidement et affirment que «ce n'est l'opinion d'un membre qui s'exprime librement». Néanmoins, les affirmations de cette personne figure sur une page officielle de ce Réseau, section «Mourial».

Qui ne dit mot consent.

Ce à quoi le RLQ consent, c'est une vision d'une société qui ne vise pas à créer de la richesse pour l'ensemble de la collectivité sur une base de l'égalité des chances entre citoyens, mais à créer des privilèges sur la base de l'inégalité entre sujets: le fait qu'un monarchiste chrétien, Roy Eappen, soit présent dasn ce mouvement est un exemple qui le confirme. La création de privilèges sur la base de l'inégalité est un projet qui prend différentes selon les paradigmes dominants: il peut s'agir de justifier le travail forcé dans une société esclavagiste; de légitimer les privilèges des brahmanes et la pauvreté des pariahs dans un système de castes; le travail des paysans et le privilèges des ecclésiastiques et des nobles dans le système féodal («les trois pilliers»); etc. Ces vieilles idées d'inégalité et de de fatalisme reviennent toujours, périodiquement, sous une forme ou une autre, pour légitimer l'autorité du pouvoir en place et bloquer la mobilité sociale.


Dans le cas qui nous concerne, l'article de Robert Deschamps, on constate que la catégorisation d'individus selon des profils psychogénétiques et la création subséquente d'écoles correspondant à ces profils constitue une autre tentative de répéter la même recette. En relisant Stephen Jay Gould, on pourrait conclure que ces idées servent à promouvoir (1) des mesures d'austérité, surtout quand elles restreignent les services essentiels des moins nantis, mais réduisent les impôts des riches (délire du trickle-down economics); (2) le repli sur soi, sous forme de xénophobie, de conservatisme-nationaliste, ou d'islamophobie habillée par des chrétiens intégristes en lutte pour la laïcité; (3) les intérêts de l'Establishment contre un groupe bénéficiant d'une mobilité sociale accrue, comme c'est le cas actuellement avec tout le «bashing» de syndicats, de la «gauche caviar» et de la «clique du Plateau» que le RLQ effectue pour le compte de ses fortunés marionnettistes et pour la satisfaction de ses pulsions ochlocrates.


Bref, ce mouvement n'est pas tourné vers l'avenir.

C'est un obstacle aux valeurs progressistes et humanistes.

C'est un boulet dont doivent se défaire ceux qui poursuivent le mieux-être de l'individu et de sa société.



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Image (fair use rationale for discussing the book Mismeasure of Man)
http://en.wikipedia.org/wiki/File:Gouldmismeasure.jpg