Sunday, April 24, 2011

Pour en finir avec le trickle-down economics


Ubi solitudinem faciunt, pacem appelant
(où ils font un désert, ils disent qu’ils ont fait la paix)

- Tacite (Vie d'Agricola, 30)


Au Québec, une théorie «zombie» qui circule encore largement est celle du trickle-down ecomics (effet de ruissellement), selon laquelle la création d'emplois peut être stimulé dans une économie en réduisant le fardeau fiscal des entreprises et des plus nantis: les riches, en ayant plus d'argent de leurs poches, peuvent dépenser davantage et investir, et par le phénomène de l'effet multiplicateur (1 / 1 - Propension marginale à consommer + Propension marginale à importer), l'ensemble de la société en profite. Or, un problème de ce raisonnement est qu'on assume automatiquement que les riches, en ayant plus dans leurs poches, vont dépenser et investir davantage, alors que rien ne garantit ce comportement. En fait, si on se base sur la préférence pour la liquidité, la personne fortunée n'investira que si le taux de rendement offert constitue un coût de renonciation suffisamment élevé et n'épargnera que si les taux d'intérêts le sont aussi.

Si on rajoute l'effet de revenu et que celui-ci a un impact plus élevé que l'effet de substitution auquel on l'oppose, une personne aisée qui est moins imposée pourra continuer à épargner la même quantité d'épargne, tout en réduisant la proportion de son salaire annuel accordé à l'épagne, en se payant, par exemple, un voyage à Punta Cana, ce qui ne contribue peu à l'économie nationale. Inversément, si l'effet de revenu est plus faible que l'effet de substitution, les riches épargneront peut-être davantage, mais cet épargne aura peu d'impacts durables sur l'économie et sur le marché des fonds prêtables vu que le Canada est une petite économie avec une parfaite mobilité de capitaux.


1.  Des dépenses qui stimulent réellement l'économie?
     (l'effet de substitution < l'effet de revenu)


On sacrifie l'innovation sur l'autel du profit à tout prix.

En marketing, parmi les possibilités de positionner un produit sur le marché («corner the market») pour se doter d'un avantage concurrentiel, il existe trois stratégies définies selon deux axes: l'aspect fonctionnel du produit versus l'aspect de luxe (fonction versus forme) et la valeur de la gamme du produit (bas de gamme versus haut de gamme). 

 

Rapidement, un produit qui est à la fois bas de gamme et que l'on achète pour sa fonction première («beau, bon, pas cher») est le résultat d'une stratégie de domination par les coûts: les marchandises trouvées dans un Dollarama ou un Wal-Mart sont des exemples de ce type de produit, tout comme un vin de dépanneur, ou le cola de marque Zel ou Cott. Si un produit est haut de gamme et qu'on l'achète surtout pour son aspect fonctionnel (e.g.: peu de gens veulent un ordinateur plaqué or et incrusté de diamants...), on parle alors d'une stratégie de domination par l'innovation. Finalement, lorsqu'un produit est vendu uniquement sur la base de son prix élevé et de son caractère exclusif (e.g. Rolex, Rollsroyce, diamants, vins), il s'agit alors d'une stratégie de domination par la qualité. Chacune de ces stratégies nécessitent différentes approches pour les réaliser:

(1) La stratégie de domination par les coûts, la plus connue, est celle à laquelle bon nombre de gens se limitent quand ils pensent à une stratégie d'affaires. Un produit qui est commercialisé selon cette stratégie a un prix de vente du produit inférieur à la norme du marché, ce qui constitue le principal avantage concurrentiel du produit face aux compétiteurs. Pour atteindre ce bas prix, l'employeurs a plusieurs méthodes:  offrir un produit de qualité moindre à un prix moindre, contrebalancer les faibles recettes de vente par un très grand volume de ventes, produire un très grand volume pour faire des économies d'échelle, verser de salaires peu élevés aux employés pour réduire les coûts de production, faire de l'acharnement antisyndical pour maintenir des salaires peu élevés et ne pas octroyer des avantages sociaux qui partagent plus équitablement les profits, «tourner les coins ronds» en matière de santé et de sécurité au travail, déqualification du travail (taylorisme) afin de pouvoir embaucher des gens ayant peu de formation ou de compétences dont la précarité les empêchent d'être trop contestaires, embaucher des épouses «deuxième salaires» qui revendiquent peu, relocaliser les usines et les manufactures dans des pays où les normes sont moins sévères (voire absentes), recourir à la sous-traitance, etc.  Peur et précarité fidélisent la main-d'oeuvre. En somme, avec ce genre de stratégie, le but est de presser le citron au maximum, afin que le patron et les actionnaires empochent le maximum d'argent aux dépens des employés. Appliquer à une société québécoise, on se retrouverait avec une caste de gens nantis et une vaste majorité de pauvres, comme dans une république de bananes. D'autre part, pour un entrepreneur, un marché de «beau, bon, pas cher» est facilement accessible aux compétiteurs, ce qui peut amener pour survivre un perpétuel nivellement vers le bas, autant en ce qui concerne la qualité du produit vendu que les conditions de travail des employés. On se contente aussi d'imiter ce qui existe déjà, à qualité moindre, ce qui contribue peu à l'ensemble de la société à long terme.

(2) La stratégie de domination par l'innovation repose en partie sur l'offre de produits performants et  les investissements dans la recherche et le développement: l'informatique est un exemple de secteur qui mise sur l'innovation. Avec ce genre de stratégie, l'entreprise mise sur la formation de sa main-d'oeuvre, offre de bons salaires et avantages sociaux pour fidéliser les employés, compte sur l'effet d'expérience (learning curve) pour réduire ses coûts de production, favorise la communication entre les employés pour être plus productif au niveau des idées, etc. Les bénéfices (e.g.: brevets, retombées technologiques) provenant des activités de ces entreprises contribuent à l'ensemble de la société, permettant d'avoir  à long terme des produits plus performants, de meilleure qualité.

(3) La stratégie de domination par la qualité est une stratégie de différenciation qui mise surtout sur l'exclusivité du produit: le prix élevé du produit et le prestige qui en découle en sont les principaux attributs. Certains de ces produits peuvent physiquement être de meilleure qualité, mais dans d'autres cas cette qualité supérieure du produit est purement le résultat d'un martèlement publicitaire (e.g.: un t-shirt ayant le logo de Tommy Hilfiger), sans réelle valeur matérielle. Si la demande de produits de luxe augmente, les prix augmenteront pour maintenir le caractère exclusif du produit.



Dans un système où on réduit le fardeau fiscal des plus nantis, on permet à ceux-ci d'acquérir davantage de produits de luxe, et ces produits augmenteront sans cesse de prix pour maintenir leur exclusivité: résultat, on génère de l'inflation tout en stimulant un secteur de l'économie qui n'est pas prioritaire, voire essentiel. D'autre part, quand ces riches «pressent le citron» en n'offrant que des McJobs à l'ensemble de la population, ces derniers n'ont pas le choix, faute de moyens financiers, d'acheter des produits à bas prix: quand on travaille au salaire minimum dans un Wal-Mart, on n'a les moyens que d'acheter chez Wal-Mart. Les deux types d'entreprises qui bénéficient le plus de ce système économique sont celles qui visent la domination par les coûts et celles qui misent sur l'exclusivité du produit.


Des incitatifs pour investir à l'étranger plutôt qu'au Québec


Simplement, si on se base sur la loi de Weber, quand une personne n'a pas un sous, un dollar de plus dans ses poches représente un changement significatif; pour un milliardaire, ce dollar  supplémentaire est insignifiant, puisqu'il gagne à chaque heure en intérêts versés ce que plusieurs personnes vivant dans des pays émergents gagneront durant toute une année. Si on revient à l'économie, on peut dire que le Québec, comparativement à un pays émergent, est plus développé: l'ajout de capitaux supplémentaires servant à l'investissement donnera des résultats moins impressionnants, vu que le Québec se situe plus loin le long de la courbe de croissance économique, une courbe qui a des rendements marginaux négatifs. Dans le cas (extrême) du «pays A» figurant dans le tableau ci-dessus, l'ajout de capitaux supplémentaires ne donne aucun gain. Logiquement, un investisseur choisirait un pays qui se situe plus près du début de la courbe qu'un pays qui se retrouve plus loin, parce que ce premier lui permet de bénéficier d'un taux de croissance supérieur, toutes choses étant égales ailleurs. Un moyen de défense que le Québec possède pour contrer ce phénomène est de miser sur l'innovation technologique pour améliorer la productivité, ce qui permettrait de redresser la courbe et donc de réduire les rendements marginaux négatifs; cependant, dans une économie où les stratégies de domination par les coûts encouragent le développement des McJobs et dans laquelle les dépenses des plus nantis encouragent les firmes axées sur la domination par l'exclusivité du produit, on arrive difficilement à encourager l'innovation.



2. Le problème avec l'épargne privée: 
    les mécanismes du marché des fonds prêtables
    (l'effet de substitution > l'effet de revenu)


Hausse de l'épargne (étape 1)
Réajustement du marché (étape 2)


Certains considère l'épargne comme étant relativement inélastique. Toutes choses étant égales ailleurs, si la quantité d'épargne de ces gens augmente, les taux d'intérêts nationaux diminueront, ce qui devrait normalement favoriser l'accès aux investissements sauf que... le Canada n'est  pas une économie fermée, mais une petite économie (ouverte) avec une parfaite mobilité des capitaux, ce qui veut dire que le taux d'intérêt mondial doit être égal au d'intérêt national (rm = r); évidemment, on simplifie par le taux d'intérêt  national peut être plus élevé pour compenser une inflation élevée dans un pays. Dans le cas où le taux d'intérêt national serait moins élevé que le taux mondial (rm > r), les épargnants opteraient simplement d'expédier leurs fonds à l'étranger, où ils peuvent croître à un rythme plus accéléré (et on n'aborde même pas le phénomène des paradis fiscaux); ce processus continuerait jusqu'à ce que la quantité d'épargne diminue suffisamment pour ramener les taux d'intérêts à la parité (rm = r). C'est seulement dans une économie fermée, une option qui n'est pas à envisager, que l'augmentation de l'épargne des riches réduirait les taux d'intérêts, ce qui augmenterait les investissements et subséquemment les emplois qui leurs sont liés. Mais aucun pays ne peut vivre entièrement en vase clos et il y a d'importantes pertes liées au repli sur soi, notamment parce qu'un pays autarcique ne peut tirer de gains de ses avantages comparatifs alors qu'un pays ayant une économie ouverte profite de ces avantages via le commerce international.

Et puis, à bien y penser, comment arriverait-on à faire pousser des oranges en Abitibi?

Dans le cas du Québec et du Canada, les baisses d'impôts qui encouragent l'épargne peuvent être déviées vers les autres pays  à cause des mécanismes relatifs au taux d'intérêt dans une économie ouverte. Dans le secteur privé, les investissements possibles grâce aux prêts  bancaires restent sensiblement les mêmes à l'intérieur des frontières nationales, alors que les nantis se retrouvent encore plus riches en ayant des actifs à l'étranger, dissimulés ou non. De l'autre côté, l'État voit ses recettes fiscales diminuer; alors le gouvernement parle de déficits budgétaires, qu'il tente de combler non pas en augmentant les impôts à leur niveau précédent, mais en diminuant les services offerts à la population. Ainsi, on se met à parler de plus en plus de privatisation, de coupures et on demande aux citoyens de se «serrer la ceinture». Le tout, dans une stratégie servant à «affamer la bête», la bête dans ce cas-ci étant les institutions de l'État et les services universels que celles-ci offrent à l'ensemble de la population.


Des baisses d'impôts réellement nécessaires?


«Au Canada, les contribuables gagnant 150 000$ et plus ont un taux réel d’imposition non pas de 50% comme la plupart des gens le croient, mais bien de 16% en moyenne»

- Yves Séguin, L’impôt des « riches »,
le Journal de Québec, le lundi 12 décembre 2005.



Comme on le constate avec ces chiffres (provenant d'un média appartenant à Québécor et non de Lutte ouvrière), les plus fortunés ne font déjà pas leur juste part en tant que contribuables. Pourquoi devrait-on les aider davantage? Pour créer de l'emploi?


«Près de 40% des contribuables au Québec ne paient pas d'impôt provincial, mais les 20% des Québécois les plus riches, eux, paient 70% de l'impôt total perçu.»

 Simon Lord, agence QMI, 19 avril 2011
Québec: Deux contribuables sur cinq ne paient pas d'impôts



Traduction: au Québec, deux contribuables sur cinq sont trop pauvres pour être capables de payer des impôts et assurer convenablement les dépenses minimales liées à la survie quotidienne. Au Québec, on a un système d'impôts progressifs selon le principes de ce que la droite pourrait appeler «la capacité à payer» et ce que les gauchistes définiraient comme «De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins», concepts qu'on peut réunir dans un terrain plus neutre avec le terme d'équité verticale. D'un point de vue microéconomique, les impôts semblent injustes dans la mesure où on «taxe le travail» et on «décourage la productivité», mais les gains qu'apporte ce travail ne sont possibles que grâce aux investissements de l'État dans les infrastructures (sans routes, comment acheminer les marchandises?) et dans les services (sans police, prisons et  tribunaux, comment s'assure-t-on de notre sécurité et celle de nos biens?sans inspecteurs en alimentation, comment s'assurer que la nourriture qu'on nous vend est saine?). Même le minarchiste le plus minable concède que l'État a un rôle à jouer (et ceux qui s'obstinent encore doivent probablement attendre la fin du monde en se cachant dans un bunker, fusil à la main, et en jouant un rôle économique insignifiant). Comme le soulignait Warren Buffett lors d'un épisode d'Une heure sur terre, ceux qui se sont enrichis en Occident ont pu le faire parce que le système en place le permet et le facilite, alors que s'ils étaient nés au Bangladesh ou en Afghanistan, où l'accès à l'accès aux soins de santé et à l'éducation sont réduites, peu d'entre eux auraient émergés et seraient devenus prospères. Le mépris de la justice sociale par le biais de l'évasion fiscale est donc, au mieux, une forme d'ingratitude.


La «flat tax», plus juste?

Un système à deux vitesse.


Pour ce qui est d'une taxe à taux unique (flat tax) qui représenterait le même pourcentage pour tout le monde, il est vrai que ce serait plus simple à administrer, mais on ne respecterait pas le principe d'équité verticale: par exemple, imposer une flat tax de 15% à quelqu'un qui a un revenu annuel de 100 000$ permettrait d'obtenir des recettes fiscales de 15000$, tandis qu'une personne ayant $10000 par année paierait $1500; bref, chacun paie la même proportion, ce qui semble plus juste. Mais si on estime qu'une personne ne fait que survivre à partir de la première tranche de 10000$ de revenu annuel (besoins essentiels comme un loyer et une alimentation très modestes), on constate que ce genre d'impôt est régressif parce que les plus pauvres voient leurs capacités de répondre à leurs besoins essentiels chuter dramatiquement; pour celui qui fait 100000$, ça ne fait qu'affecter sa capacité à faire de l'épargne et à acheter des produits qui ne sont pas nécessaires pour une survie immédiate. Donc un flat tax, même si c'est plus simple à gérer sur le plan administratif, contribue à appauvrir ceux qui sont déjà mal pris et à enrichir les nantis: on est loin de la justice sociale. On pourrait quasiment dire que c'est une façon de piller la population d'un pays.


«Plus de 95% des contribuables ayant un revenu de moins de 10 000$ n'ont pas payé d'impôt en 2008.»

 Simon Lord, agence QMI, 19 avril 2011
Québec: Deux contribuables sur cinq ne paient pas d'impôts



Par principe d'équité verticale, les plus pauvres devraient être exemptés d'impôts pour que leurs besoins essentiels soient rencontrés: ai-je vraiment besoin d'enlever 1500$ d'épicerie à une vieille dame? Évidemment, comme les ressources n'apparaissent pas de nul part, si l'État diminue ses revenus fiscaux, bien le manque à gagner doit être trouvé ailleurs: donc, on taxe les gens ayant plus de revenus selon un taux progressif, un taux qui augmente au fur et à mesure que la capacité à payer du citoyen augmente. Pour certains, ceci peut paraître comme étant la «rançon de la gloire» pour les gens ayant des meilleurs salaires (que certains confondent  un peu trop hâtivement avec ceux qui ont le plus de mérite),  mais quand on y pense, ceux qui ne paient pas d'impôts dans un système progressif dépensent davantage en consommation pour améliorer leur niveau de vie dans l'immédiat, et ces dépenses deviennent les profits des commerçants et, éventuellement grâce à l'effet multiplicateur (puisque la propension marginale à consommer augmente), elles permettent de créer de l'emploi et d'enrichir les plus nantis par «effet boomerang». La redistribution de la richesse doit être pensée à partir de la base, plutôt que du sommet, parce qu'elle profite à tous.


Réduire les impôts, augmenter les taxes à la consommation?


Une autre solution envisagée pour réduire les impôts (dont ceux des riches) est de transférer le fardeau aux consommateurs en taxant les achats davantage. Après tout, le principe «utilisateur-payeur» garantira la justice sociale. Sauf que... les taxes à la consommation sont elles aussi régressives, dans la mesure où la personne qui gagne 10000$ par année dépense probablement la majorité de ce montant en frais de subsistance, alors que l'individu ayant des revenus annuels de plus de 100 000$ peut épargner davantage (bien que ce comportement n'est pas garanti). De plus, la logique de vouloir réduire d’une part les impôts, mais de l’autre augmenter les taxes et les tarifs, permet peut-être d’avoir un revenu (nominal) supérieur dans son compte de banque parce qu’on en enlève moins sur le chèque de paie, mais en bout de ligne on paie plus cher ce qu’on achète: en dollars réels, rien ne s’améliore pour une personne de la classe sous le seuil de la pauvreté, qui se ramasse à travailler plus d’heures pour avoir la même chose qu’avant. 

D'autres diront que les taxes à la consommation permettent de contrer le phénomène d'évasion fiscale qu'est le «travail au noir». Peut-être. Mais quand les taxes sur les produits et services deviennent trop élevées, un autre phénomène survient: celui de la contrebande. On passe alors de Charybde en Scylla, et le seul gain  à constater est dans les poches de possédants apatrides qui bénéficient le plus des baisses d'impôts, alors que la société se ramasse avec le problème des réseaux criminels qui concurrencent déloyalement les commerçants légitimes et qui troublent l'ordre social.  Un autre phénomène, légal cette fois-ci, qui peut apparaître avec une hausse des prix est celui d'un achat accru de biens aux États-Unis, étant donné que ce marché est facilement accessible à bon nombre de communautés frontralières. Comment un commerçant pourra-t-il tirer son épingle du jeu en était concurrencer d'un bord par les contrebandiers, de l'autre par les commerces états-uniens?

Et si on repense à l'effet multiplicateur, si on taxe davantage les produits de consommation pour encourager l'épargne (dont les surplus se retrouveront à l'étranger pour rééquilibrer le marché des fonds prêtables...), bien on réduit en même temps la propension marginale à consommer (PmC), ce qui est mauvais pour les commerçants et les employés qui travaillent pour eux et bon pour ceux qui dépensent ces fonds à l'étranger.



Des statistiques douteuses martelées par QMI

«Combien de Québécois payent des impôts, vous pensez? Réponse:  moins d’un sur deux. Sur une population de presque 8 millions, 3,6 millions ont payé de l’impôt au net en 2008 (les données les plus récentes du gouvernement). C’est un peu plus de 45 % de la population. En incluant tous les Québécois, retraités et enfants compris.»

David Descôteaux (?), Qui veut faire la révolution?



Quand on fournit des statistiques gonflées artificiellement pour faire peur au public, comme c'est le cas de David Descôteaux (quand il prend la peine d'écrire réellement ses propres textes...) qui se prend pour un John Galt, on pourrait dire n'importe quoi: aux antipodes de ce que QMI raconte, on peut constater avec le même manque de rigueur que le taux de natalité a chuté au Québec et que le ratio salariés/enfants a diminué, il y a donc plus de gens qui paient des impôts et que «tout va très bien»; les femmes ayant entré dans le marché du travail dans les dernières décennies améliorent aussi ce ratio. Quand on martèle même message dans un média, d'un auteur à l'autre, avec le même manque de rigueur ça commence à sentir la propagande. Quand l'ensemble des médias, Gesca, Radio-Cadenas et Québécor confondus, répète ce message en synchronisme avec la date d'échéance de paiements des impôts (quel étrange timing!) et en présentant les riches comme étant des victimes, d'éternels «Atlas» qui on tout le poids du monde sur leurs épaules, on confirme ce que l'odorat annonçait.

Curieusement, ces auteurs se mettent des oeillières quand il s'agit des différents échappatoirs que les plus riches utilisent pour payer moins que la juste part qui est exigée d'eux selon le principe d'équité verticale: paradis fiscaux, fiducies familiales, CELI qui ne bénéficient qu'à ceux qui ont les moyens d'épargnenr au-delà de leurs cotisations de RÉER permises, rémunénation versées partiellement en actions plutôt qu'en salaires (le gain en capital étant imposé à une fraction du montant), combines douteuses dons et de bourses d'excellence avec les écoles privées, etc. Ils oublient aussi que les entreprises sont des «citoyens» qui doivent payer des impôts parce qu'elles bénéficient des infrastructures publiques (e.g.: routes, ponts) pour l'acheminement de marchandises et des services de sécurité (e.g.: police, tribunaux). Ils n'en parlent pas quand ils répètent des âneries comme «moins d’un Québécois sur deux paye des impôts à la fin de l’année» alors qu'une grande partie de ceux qui doivent  payer des impôts ne sont pas des personnes dans le sens biologiques du terme, mais des entités légales. Ces entreprises, qui sont parfois simultanément subventionnées avec les impôts des travailleurs et exonérées de payer leurs redevances, ne doivent pas être taxées davantage, mais simplement imposés selon ce qu'elles doivent en échange de ce que la société québécoises leurs donnent.



Le mythe du social-démocrate gaspilleur et des pistes de solutions



«Je rappelle que moins d’un Québécois sur deux paye des impôts à la fin de l’année. Aussi, quelque 500 000 contribuables font partie de la fonction publique et des réseaux de la santé et de l’éducation. Si ces gens veulent des emplois ou une augmentation de salaire, ils doivent souhaiter que l’État dépense plus, pas moins. C’est aussi vrai pour tous ceux — artistes, agriculteurs, plusieurs entreprises — qui vivent des subventions de l’État

David Descôteaux (?), Qui veut faire la révolution?




Évidemment, selon les partisans du trickle-down economics, le Québécois qui est contre les baisses d'impôts pour les riches et une réduction de l'État est un «maudit gauchiste» qui vit au-dessus de ses moyens et pour lequel les mécanismes de base de l'économie sont un mystère. Surprise: je crois aussi qu'il faut couper dans le gras. Par contre, je ne crois pas avoir la même définition de gras qu'eux.

Vous voulez couper? Sortez la Veuve!

Tout d'abord, un des gaspillages qui saute aux yeux est celui des dépenses liées à la monarchie britannique  ($50 millions en 2008) et à tout l'appareil étatique qui encadre ce vestige: lieutenants-gouverneurs (Le système de lieutenants gouverneurs, présents dans chaque province, coûte quant à lui 7,4 M$), gouverneur-général (la gouverneur générale, qui représente la reine au Canada, a coûté près de 19 M$ en 2008 [;] il convient d’ajouter 12 M$ pour ses résidences (la Citadelle à Québec et Rideau Hall à Ottawa) et 4,6 M$ pour sa sécurité) voyage de noces du prince William (le coût de sa visite au Canada est évalué à 3 millions de dollars), etc. La première étape d'un assainissement des dépenses publiques passe par l'abolition de la monarchie et l'instauration d'une république (via un referendum, pas une révolution...), ce qui permettrait de sauver près d'une centaine de millions de dollars par année (évidemment, il faut actualiser ces chiffres avant de les additionner), qui autrement serviraient à subventionner des gens déjà riches.


Réduire la taille de l'État? Pourquoi ne pas commencer par l'armée?

L'armée c'est du Big Government. C'est une grosse dépense publique. En 2002, les dépenses militaires de l'État étaient de $7,4 milliards (1.2% du PIB) alors qu'en 2010 ces dépenses ont grimpés à plus de $20 milliards. La guerre en Afghanistan y est probablement pour quelque chose. Et 4 sous-marins, dont un seul qui fonctionne, pour patrouiller 3 océans contre une invasion russe à laquelle on ne pourra jamais tenir tête, c'est ridicule. Aussi bien abolir ce programme. Toutes ces dépenses étatiques doivent être revues à la baisse et le rôle de l'armée canadienne doit être remis en question (ce que j'ai déjà fait dans un texte précédent Abolir les Forces armées canadiennes?) afin qu'on se dote d'une force de défense correspondant réellement aux aspirations qu'un pays de 30 millions d'habitants peut avoir. Il est temps d'arrêter de jouer aux G.I. Joe  parce que c'est en agissant en «wannabe» Rambo» que le Canada a perdu ses  appuis dans la communauté internationale. Avec une armée réduite, on peut ainsi libérer une dizaine de milliards de dollars et commencer à réparer la réputation du Canada à l'étranger, question de faciliter les exportations et l'ouverture de nouveaux marchés.


Favoriser l'épargne publique


«Mise à part les avantages fiscaux pour les riches, il existe d'autres moyens d'encourager l'épargne nationale. Rappelons en effet que l'épargne nationale est la somme de l'épargne privée et de l'épargne publique. Au lieu de modifier la fiscalité pour stimuler l'épargne privée, les dirigeants pourraient accroître l'épargne, les dirigeants pourraient accroître l'épargne en réalisant des surplus budgétaires. Cela pourrait se faire grâce à une augmentation des impôts des classes favorisées, par exemple, ou en limitant les dépenses publiques. Voilà un moyen direct d'augmenter l'épargne et d'assurer la prospérité des générations futures.»

Germain Belzile (HEC) et Gregory N. Mankiw (Harvard),
Principes de macroéconomie, p.405


NOTIONS DE BASE EN MACROÉCONOMIE

On peut résumer le Produit intérieur brut (PIB) avec l'équation suivante:
Y = C + I + G + XN

Y = PIB
C = Consommation
I  = Investissements
G = Dépenses gouvernementales
XN = Exportations nettes (Exportations - Importations = XN)

I = S: Les investissements (I) correspondent à l'épargne nationale (S).

SG + SP = S:
L'épargne publique (SG) et l'épargne privée (SP) constituent l'épargnent nationale (S).

T-G = SG:
Les recettes fiscales (T) moins les dépenses gouvernementales (G) donne l'épargne publique (SG).
Quand l'épargne publique est négative, il y a un déficit budgétaire.
Quand l'épargne publique est positive, il y a un surplus budgétaire.

Y-T-C=SP:
Le PIB (Y), moins les recettes fiscales (T), moins la consommation (C) donne le total d'épargne privé (SP).



Un assainissement des finances publiques (réduire la variable G pour augmenter les variables SG et donc  S), en ciblant d'abord les dépenses inutiles (e.g.: la monarchie) et en réduisant certains projets à un niveau plus réaliste (e.g.: réduction de la taille de l'armée selon les besoins réels d'une trentaine de millions de citoyens), est un point de départ pour réduire les déficits et redonner éventuellement la possibilité à l'État de générer des surplus. D'autres programmes peuvent faciliter cette réduction des dépenses publiques: les différentes administrations gouvernementales pourraient abandonner Windows et la suite Office pour se convertir au logiciel libre (voir Le Plan Nerd), économisant ainsi d'important frais de licenses. Par contre, les filets sociaux ne devraient pas être réduits (pour des raisons que j'ai déjà affirmé dans le texte Charité bien ordonnée: État, fiscalité et justice sociale), mais peuvent certainement être mieux organisés.

Une réduction des impôts pour les riches (variable T) réduit les surplus budgétaires (SG) et génère des déficits (T-G=SG) si on ne révise pas les dépenses gouvernementales (G) à la baisse, ce qui veut dire que ces baisses d'impôts se font sur le dos la majorité des bénéficiaires de services publics si on ne coupe pas dans les dépenses inutiles (comme la monarchie). Par contre, un assainissement des finances publiques ciblant les dépenses optionnelles d'une relique médiévale (réduction de la variable G) dans le but de générer des surplus (maintien ou hausse de la variable T) augmente l'épargne publique (SG), qui peut servir à payer la dette publique ou améliorer les services aux citoyens. Ce ne serait pas le cas avec une hausse de l'épargne privée (SP), qui va simplement dans les poches d'une minorité.










Sunday, April 17, 2011

MÉMO 3: REDOUBLER




Comme on l'a vu récemment, François Legault et son mouvement Coalition pour l'avenir du Québec tentent de lancer de nouvelles idées pour reformer le système de l'éducation [1], en s'inspirant de manière simpliste du béhavorisme en proposant de hausser de 20% les salaires des enseignants («la carotte») et en abolissant simultanément la sécurité d'emploi chez ces employés («le bâton») tout en liant leurs postes à des contrats de performance. Si l'idée n'est pas bonne pour plusieurs raisons, notamment parce qu'il s'agit de faire du «throwing money at the problem» plutôt qu'un changement en profondeur du système de l'éducation qui apporte davantage de soutien aux enseignants débordés et surchargés, au moins on peut dire que François Legault parle d'école alors que d'autres veulent plus de prisons ou des colisées pour des équipes imaginaires. Je n'irai pas jusqu'à qualifier Legault de «Scott Walker du Québec», mais ses propos semblent avoir un contenu antisyndical sous-jacent, surtout quand il associe faible performance des élèves avec la sécurité d'emploi des enseignants, alors que bon nombre de facteurs interviennent aussi, de manière plus significative, dans ce dossier. Plutôt que de faire une critique de François «L'Ego» et de son mouvement qui paraît être un feu de paille (d'autres le feront...), je propose à la place une solution pour réformer le système de l'éducation: ramener le principe du redoublage à l'école primaire.


AIDER, PLUTÔT QUE DE PUNIR


Simplement, l'élève qui échoue son année scolaire ne devrait pas être promu à l'année suivante, parce qu'il traînera ses difficultés académiques comme boulet tout au long de son cheminement et nécessitera d'attentions supplémentaires qui risquent de faire ralentir le reste de sa cohorte. L'idée du redoublage n'est pas nouvelle et date d'une autre époque. On peut penser que c'est réactionnaire et qu'on encourage la compétition à tout prix et une attitude de «marche ou crève» (ou au mieux de «tough love»), à la différence près qu'il s'agirait pas de faire redoubler l'élève au sein du classe régulière avec des plus jeunes que lui, mais dans une classe multi-niveaux adaptée pour les redoubleurs. Ces classes devraient compter un maximum de 20 élèves dans les conditions idéales. Dans ce système, les redoubleurs de 1ère et de 2e année étudieraient dans la même local, ceux de 3e et de 4e seraient regrouper ensemble, et finalement les plus grands de 5e et 6e auraient eux aussi leur classe d'adaptation. En regroupant les élèves en classes multi-niveaux, on permettrait à un élève de 1ère année de reprendre les leçons de l'année échouée, tout en le laissant écouter celles de 2e année quand l'enseignant s'occupe de la seconde partie de la classe, réduisant ainsi une partie du retard dans ses apprentissages. Inversément, l'élève de 2e année qui redouble a probablement une partie du bagage académique de l'année précédente qu'il ne maîtrise pas suffisamment, et en écoutant l'enseignant à nouveau donner les consignes de la matière aux élèves de 1ère année, il peut réviser ces concepts sans se mettre dans l'embarras de demander une question qui paraît à lui et à ses camarades comme étant «niaiseuse». (Et pourtant il n'y a pas de question «niaiseuse» dans la vie, seulement des gens stupides, qui le sont parce qu'ils ne posent jamais de questions vus qu'ils croient tout savoir. Ils ont un réseau d'ailleurs...)


TRAVAILLER L'ESTIME DE SOI


Qui dit redoubler dit forcément échouer, ce qui peut peser lourd sur l'estime de soi d'un élève, qui aura peut-être droit à la pression parentale et aux railleries d'une cohorte d'amis qu'il ne pourra plus suivre dans les mêmes cours. Un des éléments à privilégier dans les classes d'adaptation multi-niveaux est l'entraide entre les élèves: s'ils ont des difficultés scolaires, ils n'ont peut-être pas simultanément les mêmes difficultés. Plutôt que d'organiser la salle de cours en «grande messe» avec les pupitres alignés en rangés devant le bureau de l'enseignant qui préside le tout, on devrait planifier la classe en cinq «îlots» de quatre pupitres et disperser les 20 élèves de manière à ce que chacune des deux classes soient représentées dans un îlot (si cette situation idéale est possible). Ainsi, l'élève de 2e année côtoiera quotidiennement des élèves plus jeunes, qu'il pourra conseiller et aider au fil des exercices et des travaux, faisant informellement du mentorat avec de la matière académique qu'il maîtrise; il devient alors un aidant, plutôt qu'un simple aidé. Des travaux d'équipe communs aux deux niveaux, évalués selon des critères différents et propres à l'année scolaire et les compétences pertinentes de l'élève, peuvent aussi être envisagés: par exemple, un l'élève de 2e année pour rédiger un conte (évaluation du français) tandis que l'élève cadet qui lui est jumelé pourrait illustrer cette histoire (arts plastiques).


SOUTENIR L'ÉLÈVE GRÂCE À L'AIDE AUX DEVOIRS

Finalement, redoubler une année devrait être combiné (idéalement) avec un programme d'aide aux devoirs jumelant quelques élèves avec un bénévole qui peut les encadrer académiquement, ainsi qu'au niveau socio-affectif. Comme je l'ai déjà mentionné dans l'article MÉMO 2, ce complément au système scolaire conventionnel aide au développement des compétences interpersonnelles, permet de palier un manque d’implication des parents auprès des élèves, parfois résultant de certaines barrières linguistiques chez des immigrants de première génération qui ne parlent pas suffisamment français pour comprendre les devoirs des enfants.



CONCLUSION


Redoubler, ce n'est pas le plan du siècle, ni une solution miracle, mais au moins c'est une mesure qui, quand elle prend en considération le développement optimal de l'élève (au lieu de simplement être une sanction ciblant les cancres), permet de faire face aux réels problèmes de l'élève ayant des difficultés d'apprentissage et de les «coacher» afin de le remettre sur la bonne voie, tout en l'outillant pour ce parcours, au niveau académique autant que socio-affectif. Dans une société où valorise seulement les «gagnants», il serait peut-être préférable de préparer l'élève avec la réalité que sont les échecs dans la vie, non pas pour motiver une meilleure performance par la peur, mais simplement pour rappeler qu'on peut avoir réussir après une deuxième chance, qu'on peut se remettre d'un fiasco. Un peu comme quand un gamin apprend à faire du vélo, il peut tomber plusieurs fois, même s'égrattiner les genoux, mais éventuellement il se relève et par persévérance ainsi que grâce aux encouragements de ses parents, il arrive à être capable de faire de la bicyclette. C'est le même esprit de persévérance et d'entraide qu'il faut promouvoir dans le système scolaire et non une compétition à tout prix axé sur le «me, myself, and I».

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[1] Enseignants: hausser les salaires et abolir la sécurité d'emploi, dit Legault

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