Saturday, December 24, 2011

Le pillage de Nathalie




Récemment, la jeune lectrice Mélissa François a commis une légère erreur en nommant le défunt dictateur Kim Jong-Il par l'expression erronée «Kim Jong Deux». Erreur d'inattention qui, en bout de ligne, est un peu vraie, considérant que le pays du matin tranquille est une anomalie politique qui combine à la fois le communisme, militarisme et ce qu'on peut qualifier de monarchie héréditaire: Kim Jong-Il est de facto le second souverain d'une dynastie coréenne, donc le recours au titre Kim-Jong II fait parfaitement du sens (même si la lectrice a fait cette observation par accident). De l'erreur de Mélissa François, on a bien rit. La crédibilité de TVA en a pris un coup...

…mais vraiment?


TVA n'a aucune crédibilité.

C'est une chaîne de publi-reportages pour Québécor.
C'est l'aile médiatique de la droite, conservatrice autant que caquiste.

Le fait qu'une lectrice puisse faire une erreur rappelle qu'il y a encore des humains qui travaille à Télé-Métropole. Le réel manque de crédibilité de Québécor et de ses chaînes télévisées reposent sur la médiocrité préméditée de certains animateurs (si vous avez besoin d'une personne à qui mettre le chapeau, la tête écervelée de Richard Martineau convient). Que la chaîne TVA sanctionne l'animatrice pour un petit lapsus semble excessif, surtout que l'ensemble de lecteurs des nouvelles ont fait, au cours de leurs carrières, quelques gaffes et dérapages («Banane et messieurs bonsoir» de Simon Durivage), et que le clip peut servir à un spécial de bloopers.

Si des purges sont nécessaires pour améliorer la qualité du contenu chez Québécor, elles ne doivent pas être effectuées chez les jeunes animateurs, inexpérimentés, mais chez ceux qui sont foncièrement incompétents. Et dans l'empire convergent de Québécor, la chronique de Nathalie Elgrably-Lévy au Journal de Montréal se démarque comme étant partculièrement minable. Elle gagne haut la main la palme d'or(dure) et il serait souhaitable que PKP convertisse cette chronique en espace publicitaire pour améliorer la qualité du journal.

Avant de continuer mon attaque, j'aimerais spécifier que la qualité d'un texte d'une chronique n'est pas basée sur le fait que je partage l'opinion l'auteur: par exemple, si je déteste les opinions conservatrices de Mathieu Bock-Côté, je reconnais qu'il écrit bien (sauf quand il plagie la ligne éditoriale de Fox News) et que des fois, rarement, certaines opinions émises sont correctes – je dissocie la Raison de mes sentiments personnels. Toutefois, il n'y a rien pour sauver Nathalie Elgrably-Lévy, aucun moment de grâce: toutes ces chroniques sont, sans exception, un amas incohérent de conneries, mal écrites, et je ne peux croire qu'on coupe des arbres pour ça.

À titre démonstratif, le 22 décembre 2012, Elgrably-Lévy a publié l'article «Qui a volé Noël?».


Titre déjà pas très original considérant que Mathieu Bock-Côté réutilise des variantes de celui-ci pour étendre au Québec l'hystérie collective lancée par Fox News sous l'expression «the War on Christmas». Mais bon, un article n'est pas qu'un titre (quoique les gens de la droite ont tendance à ne lire que les gros titres) et le plus mauvais reste à venir.

«J'ignore s'il s'agit du fruit de mon imagination, mais j'ai l'impression que la traditionnelle atmosphère des Fêtes disparaît progressivement. J'ai la nostalgie du «bon vieux temps», où l'hyperdécoration et l'omniprésence des chants festifs égayaient les commerces, les restaurants et les rues. »

Nathalie Elgrably-Lévy a effectivement beaucoup d'imagination (qui donne des fruits de mauvais goûts). Simple constat, la magie de Noël, c'est d'abord destiné aux enfants, et si celle-ci disparaît progressivement, c'est peut-être signe qu'une personne prend un peu de maturité.


«Qui donc a volé Noël?»

À ce que je sache, Noël est le 25 décembre. L'article a été écrit le 22 décembre. Est-ce que Nathalie a de puissants dons prémonitoires permettant de savoir que Noël sera volé?

«Certains incriminent le multiculturalisme, car à force de vouloir ménager les susceptibilités de l'autre, on en viendrait à s'oublier soi-même. C'est possible, mais cette explication est insuffisante.»

À la base, Noël est multiculturel, une combinaison d'anciennes fêtes païennnes (culte de Mithra, Saturne, Odin, Baldr, etc.) et de symboles récupérés par l'Église catholique qui, ne pouvant pas éliminer les célébrations autour du solstice d'hiver, a décidé de s'imposer dans cette fête et l'a associé à la naissance du Christ. Jésus, dans les célébrations de Noël, n'est pas un élément central, mais un éternel intrus. La greffe n'a jamais eu beaucoup de succès: l'ambiance de carnaval des célébrations de décembre a toujours eu le dessus sur l'austère messe de minuit, véritable «casseuse de party». Même aujourd'hui, cette fête est davantage associé au Père Noël, ses lutins et ses rennes, tous des personnages qui ne figurent pas de la Bible, tout comme la fête de Pâques, un autre événement que l'Église a tenté de voler, est surtout populaire pour les lapins et les oeufs (symboles païens de fertilité) en chocolat (un gros merci au lobby du sucre) qu'à la sanglante crucifixion et de la résurrection de «Zombie Jesus».

«Il suffit de consulter n'importe quel livre d'histoire pour noter que le rejet de la religion n'est pas un phénomène récent.

Il remonte à la Révolution tranquille et à la naissance du «modèle québécois» fondé sur l'intervention de l'État.»

Ouf. Nathalie s'amuse à jouer les Dan Brown. Et il n'y a d'amusant que le ridicule de ses propos. Nathalie lit surtout des livres d'histoires et non d'Histoire. Si elle faisait un peu de recherche au lieu de lire «n'importe quel livre d'histoire» (j'aimerais un bibliographie de les livres qu'elles consulte, question de savoir s'ils se limitent à Wikipedia et à Martine à la plage), elle se rendrait compte que le rejet de l'Église catholique remonte à bien plus longtemps. En 1792, la Révolution française a séparé l'Église de l'État, et ce bien avant la Révolution tranquille et l'État-providence au Québec. Cette révolution est née de l'esprit des Lumières, les grands penseurs du 18e siècle, eux-mêmes inspirés des humanistes des siècles précédents.

Avant la Révolution française, les Pères fondateurs des États-Unis ont créé un État laïc, où Juifs et Chrétiens pouvaient vivre ensembles: si la constitution américaine mentionne «God», elle ne spécifie jamais qu'il s'agit d'un dieu chrétien, parce que les signataires de cette constitution étaient pour la plupart des francs-maçons et déistes qui ne voulaient importer chez eux les débiles Guerres de Religions. Après tout, si l'État a une religion officielle, ne pas la partager est l'équivalent de la trahison; inversement, la dissidence politique devient automatiquement une trahison religion. Pour éviter que les États-Unis deviennent le même genre de merdier qu'était l'Europe au moment de la rédaction de la constitution, les Pères fondateurs ont eu la bienveillance de mettre un mur de séparation entre l'Église et l'État, reléguant ainsi la religion à la sphère privée de la vie d'une personne. Ce mur de séparation a par la suite été érodé par des chrétiens, dont certains – les adeptes du Dominion Theology – souhaitent l'avènement d'une théocratie américaine.

Bref, Nathalie Elgrably-Lévy devrait retourner à l'école pour prendre quelques cours d'Histoire avant de se prendre pour Holmes.

«L'ascension de l'État-providence et la chute de l'Église se sont produites simultanément. Simple coïncidence?»

Encore une fois, j'invite Nathalie a retourner sur les bancs d'écoles avant de dire des sottises. Les ancêtres des Québécois sont arrivés en Nouvelle-France au XVIIe, à une époque où en France s'imposa le modèle de la monarchie absolue, assez interventionniste, même au sein de l'Église catholique (gallicanisme); les ancêtres des Américains sont arrivés à une époque où en Angleterre, les troubles religieux prédominaient et où le Parlement cherchaient à s'imposer sur le gouvernement royal. Le gouvernement français connu une longue période de stabilité sous le règne de Louis XIV, et à cause de ceci, la colonie de la Nouvelle-France fut davantage encadrée par le pouvoir; le gouvernement anglais connu une longue période d'instabilité, avec des régimes divers (le Commonwealth de Cromwell, la tentative d'absolutisme des Stuarts, l'invasion hollandaise invitée par le Parlement), laissant aux colonies américaines beaucoup plus d'autonomie parce qu'elles étaient souvent laissées à elles-mêmes. Après la Conquête, le Québec s'est vu «décapité» de son élite politique, qui fut rapidement remplacée par celle de l'armée britannique et des grands commerçants anglais et écossais. L'Église catholique, autrefois soumis à l'État français (gallicanisme), se trouva soudainement orpheline et puis même ostracisée par le nouveau régime via le Serment du test (tout employé de l'État devait jurer loyauté au protestantisme, l'Anglicanisme étant la nouvelle religion officielle). L'Église catholique, gallicane, se trouva bien confuse, incapable de servir le nouveau roi de la même manière qu'elle l'avait fait pour celui de France.

Après quelques générations, une nouvelle élite est apparue au Québec, formée de gens issus des professions libérales (vu que le commerce était interdit aux Canadiens-français); ces avocats, notaires et médecins, avec l'aide de sympathisants anglais et irlandais, prirent les armes contre l'Establishment colonial en 1837, mais les succès furent de courte durée, et les leaders furent pendus ou exilés. Après l'échec de la révolte des Patriotes, le Québec se trouva à nouveau «décapité» de son élite. La nature ayant horreur du vide, l'Église catholique s'imposa alors comme troisième élite. Auparavant gallicane, l'Église était devenue ultramontaine (si on résume très rapidement, chez les ultramontains, la loyauté du clergé va au pape et non au roi de France). C'est à partir de 1840 que l'Église catholique commença à jouer un rôle de plus en plus important dans la société canadienne-française. Elle occupera une place privilégiée pendant un siècle, et imposera le même genre de paternalisme à la population du Québec que l'ont fait le régime absolutiste de la Nouvelle-France et le gouvernement colonial anglais. L'intervention des institutions – l'État – dans la vie des gens ne date pas de 1960!

Comme aime ou on déteste l'Église catholique (je suis dans la seconde catégorie), il faut reconnaître que cet institution a construit de nombreux filets sociaux pour légitimer son existence auprès de la population et pour infiltrer toutes les sphères de la société: charités, éducation, santé, etc. À partir des années 60, l'Église catholique a perdu la faveur de la population. Il semble que si l'omniprésence est symbole de triomphe, cet omniprésence dilue aussi le pouvoir de la «marque». Les nombreuses institutions créées par l'Église ne pouvant être abandonnées, elles ont été récupérées par le gouvernement provincial, créant ainsi un État-providence. Il n'y a donc pas de grande conspiration ou autre idée simpliste du genre.

«L'État-providence peut prendre plusieurs formes qui vont des plus autoritaires, comme le communisme et le socialisme, au plus soft comme la social-démocratie. Or, la logique collectiviste bannit la religion. Karl Marx disait d'ailleurs: «Le communisme commence là où l'athéisme commence». Quant à Lénine, sa lutte antireligieuse est notoire. Dans les républiques soviétiques et dans les pays communistes, les hommes en soutane étaient persécutés et emprisonnés, l'enseignement de la religion était interdit, et les fidèles pratiquaient leur culte clandestinement. Pas plus tard que lundi, le gouvernement chinois a réitéré la nécessité d'être athée pour adhérer au Parti communiste.»

Ici, on voit clairement que Nathalie Elgrably-Lévy a besoin de retourner au cégep faire un cours de science politique. Par État-providence, Nathalie veut en fait parler de la gauche. Et à y penser, où est rendu son sujet de départ, Noël? On le constate, cet article n'a rien à voir avec Noël, mais est encore du «bashing» contre la gauche de la part de la chroniqueuse, la même dinde, mais servit cette fois-ci avec un très mince filet de sauce aux canneberges pour s'accomoder aux temps des fêtes.

Gauche et État-providence ne sont pas synonymes, et la présence d'institutions omniprésentes comme l'Église catholique durant l'ère Duplessis montre que les tentations du totalitarisme existent aussi à droite. La gauche peut prendre plusieurs formes, des plus autoritaires comme le communisme (économie planifié) au plus soft, comme la sociale-démocratie (économie mixte, intervention de l'État dans quelques secteurs «pivots» combiné à la libre-entreprise).

Communisme et athéisme ne sont pas synonymes. La très cinglée Ayn Rand (La révolte d'Atlas), pour qui l'individualisme est au-dessus de tout (comme le propose Aleister Crowley...), était partisane de l'athéisme et profondément anti-religieuse (preuve qu'une montre brisée peut donner l'heure juste une fois par jour, mais qui veut d'une montre brisée?). Si Ayn Rand connaît aujourd'hui un léger regain de popularité chez la droite, cette droite semble continuellement occulter l'athéisme de l'écrivaine, faisant ainsi du cherry-picking idéologique.

L'athéisme de libre-penseur et l'athéisme des communistes ne sont pas synonymes. Les deux partagent un paradigme qui exclu l'existence du métaphysique et de celle d'un dieu omnipotent, mais le premier est un refus d'adhérer au dogme, tandis que le second cherche à se substituer au dogme chrétien, devenant une «religion athée» plutôt que du réel athéisme. Le Parti remplace le clergé, le Livre Rouge se substitue à la Bible, la partisanerie remplace le dogme, Staline devient le nouveau Jésus... mais la structure de pensée religieuse reste, seules les étiquettes ont été changé. L'athéisme des communistes est une fause représentation. Bref, on peut être athée et être anti-communiste, comme c'est le cas d'Ayn Rand, ou le mien, et je crois que Nathalie Elgrably-Lévy mêle les cartes pour confondre le public, ou bien elle est elle-même mêlée et confuse.


«Cette haine envers la religion n'est pas surprenante. Dans la pensée collectiviste, l'État est une entité supérieure, omnisciente et omnipotente, une sorte de déité. Dans ce type de régime, mais aussi de plus en plus au Québec, ce sont des fonctionnaires qui décident d'une multitude d'aspects du quotidien et qui tentent d'influencer nos décisions. Quel moyen de transport emprunter, quel véhicule conduire, quels pneus installer, quoi manger, combien d'enfants avoir, dans quelle école les inscrire et quoi leur enseigner, quels produits acheter, quelle musique écouter, etc. : ils veulent tout contrôler!»

Je pense que Nathalie a écouté un peu trop 1984 avant d'aller se coucher, et qu'elle a saisit la forme mais sans en comprendre la substance. L'État, quand il est soumis au vote démocratique, est un objet appartenant à la population: les élus sont responsables envers les électeurs, et ils sont imputables – s'ils ne font pas un travail adéquat, ils sont congédiés aux élections suivants. L'État québécois repose sur un système démocratique: 1 personne, 1 vote. Rien n'est parfait, mais au moins 99% des gens possèdent 99% des votes. Quand on vote, on fait des choix de société, et la majorité qui l'emporte prend des décisions qui souvent déplaisent à la minorité: jusqu'à un certain point, c'est normal, on ne peut faire plaisir à tout le monde. Dans un monde où le privé contrôlerait tout, et c'est le rêve des néolibéraux, 1% des gens posséderaient 99% des «votes», et ce seraient eux qui dicteraient quel moyen de transport emprunter, quel véhicule conduire, quels pneus installer, quoi manger, combien d'enfants avoir, dans quelle école les inscrire et quoi leur enseigner, quels produits acheter, quelle musique écouter... la droite religieuse et les plus nantis du secteurs privé veulent tout contrôler, et ça Nathalie ne le semble pas le remarquer (probablement parce que ce sont les gens du 1% qui signent son chèque de paie).

Mais, bon, le texte de la chronique est encore hors-sujet. Où est rendu Noël? À la place, on a encore un discours recyclé sur la liberté individuelle, un délire d'adolescent attardé qui ne comprend pas que la liberté doit être équilibrée de responsabilité individuelles et collectives vues que nos actions ont des conséquences sur la vie des autres: la limite de 0.08 restreint peut-être la liberté d'utiliser sa voiture quand on est saoul, mais protège les autres personnes. Souvent nos actions ont des répercussions – externalités – que nous n'assumons pas entièrement et ce sont les autres qui en paient le prix. Vous avez des gaz suite à un réveillon: allez-vous vous soulager immédiatement en flatulant dans la pièce et en empestant toute la parenté, ou allez-vous vous plier aux attentes sociales et vous déplacer vers la salle de bain, où l'odeur pourra par la suite être camouflée en brûlant une allumette? Vous arrivez à l'épicerie et vous voulez payer: allez-vous vous mettre en ligne et attendre votre tour, ou allez-vous agir en imbécile en bousculant tout le monde pour prendre la première place?

Vivre en société comporte certaines règles, et ces règles offrent des avantages collectifs. La question est de savoir qui fixe les règles: 99% des électeurs ou 1% des plus riches?

«Autrefois, les hommes de foi dictaient les comportements au nom du salut de l'âme. Aujourd'hui, les hommes d'État veulent imposer un mode de vie au nom du bien commun et du progrès. Tant que la religion est présente, les directives de l'État passent après celles de Dieu. L'idéologie collectiviste, sous toutes ses formes, est donc incompatible avec sa grande rivale, la religion. L'athéisme devient alors nécessaire à sa survie.»

Au risque de me répéter, le dogme des communistes et l'athéisme des libre-penseurs sont mutuellement incompatibles. Le genre d'«athéisme» que les régimes totalitaires cherchent à promouvoir ne sont que des lignes partisanes souvent imprégnées d'idées fortement anti-scientifiques. L'idéologie collectiviste du gouvernement chinois est une religion déguisée, pas de l'athéisme proprement dit. Et simple rappel, l'athéisme d'Ayn Rand est individualiste et anti-collectiviste.

«Comprenons-nous bien : imposer une foi est tout aussi condamnable que de forcer l'athéisme. Dans une société réellement libre, croyants et athées peuvent vivre selon leurs convictions, car personne ne peut imposer à l'autre sa vision du monde. Mais qui dit collectivisme et État-providence dit nécessairement limitation des libertés individuelles, y compris de la liberté de religion.»

Comprenons-nous bien: la liberté de conscience (freedom from religion) est plus importante que la liberté de religion (freedom of religion). La liberté de religion permet à une personne le droit de s'exclure de certains privilèges, comme celui manger du porc. La liberté de religion ne doit pas avoir le droit d'imposer cette restriction aux autres. J'aime manger du bacon et ce ne sont pas les lobbys juifs et musulmans qui vont me l'interdire, bien que j'accepte que les gens de ces religions refusent d'en manger (ça fait plus de bacon pour moi). La liberté de religion permet de renoncer à certains privilèges, mais pas à certains droits: au Québec, hommes et femmes sont égaux devant la loi, la Charte des droits et libertés doit s'imposer à tous, et la pratique de la Charia n'est pas admissible. Imposer la laïcité et le mieux-être collectif n'est pas la même chose que de forcer l'athéisme. La sphère publique ne doit pas privilégier une religion par rapport aux autres, ni même l'athéisme par rapport aux religions. Et ça, Nathalie ne le comprend clairement pas.

«Alors si, comme moi, vous vous interrogez sur l'effritement de l'ambiance de Noël, dites-vous bien que notre État-nounou y est pour quelque chose. La Révolution tranquille a déclaré la guerre à la religion. Aujourd'hui, nos élus s'attaquent également aux traditions. Quel héritage le Québec laissera-t-il donc à la prochaine génération?»

Après divaguer dans le hors-sujet et le recyclage de ses idées habituelles commanditées par les frères Koch, Nathalie Elgrably-Lévy ramènent (superficiellement) la thématique de Noël. S'il y a un effritement de l'ambiance de Noël, c'est peut-être parce que les gens de l'extrême-droite tentent de politiser l'événement, de faire peur, le tout afin de consolider la base électorale conservatrice et vendre les torchons qu'ils publient, en copiant Fox News pour être certain de faire le moins d'efforts possibles. La Révolution tranquille n'a ramassé que les miettes de l'Église catholique au moment où la population se rendit compte que l'impressionnant arbre était pourri de l'intérieur et que l'omniprésence de l'Église minait la liberté de conscience. Aujourd'hui, les traditions sont remises en question, simple résultat d'une société qui ne stagne pas culturellement. Certaines traditions s'ajoutent (e.g.: le sapin de Noël provient des immigrants allemands), d'autres disparaissent (e.g.: le Père Noël a remplacé Saint Nicholas dans plusieurs pays), certaines s'éclipsent (e.g.: la messe de minuit) et quelques unes seraient intéressantes à importer (comme le Père Fouettard des Alsaciens, qui punit les enfants qui ne sont pas sages). Noël n'est pas fêté de la même manière par chaque génération et ce serait un désastre de verser dans l'intégrisme quand il s'agit de fêter en famille. Noël est une fête dont la façon de célébrer appartient à la sphère de la vie privée. Bien que je suis athée et anti-catholique, je suis entièrement d'accord avec l'abbé Raymond Gravel quand celui dit:

«À moins d'être un intégriste qui souffre d'intolérance aiguë ou encore d'un ignare qui ne connaît rien de son histoire, il me semble que Noël peut et doit être célébrée par tous ceux et toutes celles qui continuent de croire qu'on peut se rassembler pour partager notre culture et nos richesses, pour s'aimer malgré nos différences, pour préserver notre dignité humaine et pour espérer un monde meilleur. Ainsi, la fête de Noël sera, pour les uns, la naissance de la lumière, et pour les autres, la naissance du Christ ressuscité.»

(«Une fête pour tous!» Raymond Gravel, La Presse, 24 décembre 2011)

Noël m'appartient en tant que citoyen. Je n'ai pas besoin de me faire dire comment célébrer cette fête par Saint-PKP, la vierge offensée Nathalie Elgrably-Lévy et les Trois (Dom-)Mages que sont Duhaime, Martineau et Bock-Côté, les bergers de TVA et leurs moutons.


* * *
Sur ce, je vous souhaite un joyeux Noël et une bonne année.

Je souhaite que Mélissa François se retrouve un emploi comme lectrice de nouvelles et qu'elle puisse travailler avec des patrons qui sont aussi humains qu'elle. J'avoue avoir rit d'elle, mais une blague, ça fini par passer, et on ne ruine pas la carrière de quelqu'un pour un simple égarement linguistique.

J'espère aussi que si l'année 2012 s'annonce pour en être une de coupures pour Québécor, que le couperet tombe sur Nathalie Elgrably-Lévy pour que celle-ci puisse prendre du recul et retourner faire des études afin de savoir de quoi elle parle quand elle aborde des sujets comme l'Histoire et la Science politique. Et peut-être avec sa chronique en moins, on sauvera quelques arbres qu'on pourra décorer pour le prochain Noël...

Thursday, December 8, 2011

Comment Mathieu Bock-Côté chercha à voler Noël.


Un classique qui revient (malheureusement) chaque année


C'était la nuit avant Noël et tous les enfants allaient dormir,
à part Bock-Côté qui était seul, en train de gémir

«Zut! Regarde cette triste tranquillité!
Comment, alors, me faire remarquer?»

Mathieu se mit alors à fouiner dans toutes les maisons,
et c'est chez Abdullah qu'il se trouva une raison

«M'en prendre à l'Islam, pour être en ondes?
je ne musulmanquerait ça pour rien au monde!»

Et le dodu lutin écrit un torchon en moins d'une heure
Pour susciter à tous les poissons une grosse peur

Le lendemain, la fête de Noël ayant été politisée
Tout l'événenement se trouva alors gâché

Sauf, évidemment, pour le petit MBC
content de s'être fait enfin remarquer.

Il alla voir son maître, la langue bien pendue
vanter combien de journaux qu'il avait vendu.



* * *

Depuis plusieurs années, on le constate il y a une dégradation de la qualité du contenu dans les médias conventionnels écrits. Si je reconnais une certaine qualité à la plume de Mathieu Bock-Côté, tout en étant en désaccord avec la plupart des opinions (je considère qu'il devrait se limiter aux sujets qu'il connaît, notamment le parlementarisme québécois), je ne peux être aussi généreux avec des gens comme Éric Duhaime et Richard Martineau qui, systématiquement, publient des textes bâclés qui n'ont aucun effort de recherche. «Ces textes sont fait pour faire réagir» diront certains, alors que d'autres iront plus droit en disant que la polémique, c'est fait pour vendre des journaux.

Je crois que c'est prendre le public pour des imbéciles.

Je suis aussi persuadé qu'il est temps que tout médium recevant des fonds publics, que ce soit des subventions ou des capitaux propres provenant de la CDP, devrait être obligé de faire partie du conseil de presse et être imputable du contenu qu'il diffuse. Après tout, c'est l'argent de nos taxes, et Québécor doit nous rendre des comptes.

Et la liberté d'expression?

La liberté d'expression est un droit individuel.

La plupart des individus, à titre de particuliers, n'ont pas accès à une machine médiatique pour faire valoir leur opinion sur la place publique – c'est ce que les gens d'Occupons Montréal ont maintes fois souligné. Exiger à un médium une limite minimale de qualité de contenu est une manière de protéger le public contre la désinformation et d'éviter que n'importe quel tourbier, avec suffisamment de moyens financiers, puisse marteler sa démagogie dans tous les médias.

* * *

Pour ceux qui ne le savent pas encore, je suis athée. J'ai une aversion à la plupart de religions, particulièrement le catholicisme, parce qu'elles offrent des réponses un peu trop faciles, qui souvent ne demandent aucun effort intellectuel au-delà de la pensée magique. Les religions font aussi la promotion de l'intolérance envers certains groupes minoritaires. Dans un monde idéal, l'être humain aurait abandonné ce paradigme pré-scientifique pour quelque chose de plus évolué. Intégriste laïc me diront certains, mais ce qui me diffère de l'intégriste c'est que je reconnais le droit aux gens d'avoir tort, de pratiquer leur religion en privé, de croire au Père Noël, d'avoir un ami imaginaire ou  de lire leur horoscope. Les réels intégristes, qui sont chrétiens autant que musulmans, cherchent à jouer à qui pisse le plus loin et à absolument nous embrigader de leur (bock-)côté. Et comme disait Groucho Marx à propos de la religion: « Je ne voudrait pas me joindre à un club qui veut de moi comme membre.» Personnellement, je n'irai pas chez vous pour vous empêcher de faire la prière, mais je trouve par contre qu'elle n'a pas sa place dans une réunion de conseil municipal (et heureusement que certains maires brillants ont remplacé ça par une période de recueillement, permettant à tous, dans le confort de sa conscience, de prier ou non, selon sa volonté).

Pour reprendre Amin Maalouf, le gros problème des religions occidentales, c'est qu'elles sont mutuellement exclusives: si on peut être bilingue en parlant anglais et français, on ne peut être à la fois musulman et chrétien en même temps. Ces appartenances mutuellement exclusives sont sources de nombreux problèmes. Ailleurs, notamment au Japon, c'est possible d'être à la fois bouddhiste, shintoïste, taoïste et confucéen, car ces religions et philosophies traitent de dossiers qui leur sont spécifiques. Parce qu'elles sont mutuellement exclusives, les religions judéo-chrétiennes permettent de consolider les liens au sein d'un groupe social (parfois un aspect positif) et exclure les gens de celui-ci (le côté négatif), ce qui signifie que les religions occidentales peuvent devenir un outil politique, notamment pour consolider la base populiste des mouvements conservateurs et réactionnaires. Et souvent, c'est le cas. Dans cet aspect, les imams, les preachers et les démagogues catholiques deviennent des synonymes avec des costumes différents.


* * *

Revenons à Noël et à son Grinch...


En signant son récent torchon La guerre contre Noël, Mathieu Bock-Côté n'a même pas fait d'effort de mise à jour de la trame narrative qu'il a plagié de Fox News, ni d'effort pour trouver un titre adapté au contexte québécois. C'est du vieux War on Christmas de Bill O'Reilly, de Glenn Beck et de tous les autres cinglés de la chaîne de propagande continue de la droite américaine. Mais bon, un titre n'est pas un article (à part pour Richard Martineau, qui semble avoir des capacités limitées).

Selon MBC, Noël, le «coeur de l'identité québécoise» serait menacé par des musulmans (peut-être parce que ceux-ci ne veulent pas voir la vierge Marie porter le hidjab dans la crèche?).

Bon, «Nowell», ce n'est pas spécifiquement québécois: il y a différentes façons de célébrer cette fête à travers le monde. Pour les Grecs orthodoxes et les Russes, l'événement se déroule à une autre journée (vieilles histoires de calcul du calendrier). Les Témoins de Jehovah ont des pratiques plus austères, question de se distancer de rites qu'ils jugent trop païens, comme échanger des cadeaux. Les Juifs vont faire un tour au restaurant chinois en famille.



La façon de célébrer Noël «typiquement québécoise» n'est pas la même à travers le temps (tout fini par changer, surtout quand on compare un article de Richard Martineau écrit dans le Voir et ceux qu'il fait maintenant pour le Journal de M...): à l'oie d'antan, on a substitué la dinde et le sapin de Noël est une «importation» allemande, popularisée d'abord dans les milieux anglophones protestants (les Canadiens-français, eux, avaient la crèche, qu'ils finirent par placer sous le sapin). Noël en tant que composante culturelle n'est pas un élément figé dans le temps, tout comme la culture elle-même n'est pas un concept immuable qu'il faut protéger de toute menace extérieure. Les choses changent, certains éléments s'ajoutent, d'autres disparaissent: c'est ce qui permet l'évolution d'une société et évite qu'elle devienne arriérée. Par contre, ce qu'on veut qui se rajoute dans l'espace culturel de la société québécoise (e.g.: baladi, shish taouk) et ce qu'on ne veut pas (e.g.: burqa, charia), ça se discute.

Et puis, Noël, de toute manière, c'est un copier-coller de l'ancienne fête iranienne du dieu solaire Mithra (que dirait Duhaime de ça?), festin auquel on a simplement changer le nom du dieu pour celui de Jésus, puis qui a été mélangé à des symboles scandinaves (le houx du dieu Baldr) et celtes (le gui des druides, symbole de fertilité) et qui finalement a été partiellement remplacé par une nouvelle mythologie, celle du Père Noël, de la fée des étoiles et des lutins, où les éléments religieux sont finalement évacués.

Si vous aimez vraiment Noël, sachez que le véritable danger pour cette fête est d'abord sa commercialisation à outrance, la sauce s'étirant du 1er novembre jusqu'au mois de janvier (sans oublier le Noël du campeur en été...), vidant la fête du 25 décembre graduellement de toute substance. Que dire des fêtes aussi creuses de sens que le «Boxing Day», journée tellement insipide et artificielle que la culture québécoise n'a même pas encore trouver de mot en français pour l'intégrer, mais prévisiblement, le 26 décembre, l'équipe TVA sera présente pour un reportage à La Cordée, comme à chaque année. Et le «Black Friday»? Cette journée de novembre, que certains veulent importer, a servi à faire oublier au public avec la surconsommation et l'endettement, les inégalités économiques et sociales qu'avaient dénoncé le mouvement Occupons Montréal. L'autre danger, très évident, est la politisation de Noël par la peur, mouvement encouragé par les gens de droite, notamment MBC qui s'accroche à des idées complètement dépassées et sans nuances d'un monde divisé entre le «Bien» et le «Mal». Grandit un peu, Mathieu.


«Soyons clair. Tous les citoyens sont égaux devant la loi. Cela va de soi. Mais toutes les religions ne sont pas égales devant l'identité.»

Sauf que la religion appartient à la sphère privée, alors que la liberté de conscience, le «freedom from religion» (le droit d'être libre de l'influence de la religion) doit prévaloir dans l'espace public. Après tout, je suis Québécois, né ici, je ne suis pas chrétien, alors la chrétienté ne représente en aucun cas mon identité québécoise. Et puis, les gens de droite ne sont-ils pas partisans de la privatisation à outrance, pourquoi veut-ils que la religion soit un dossier «public».


Le christianisme a été importé en Amérique par des immigrants.


«Le Québec n'est pas une page blanche.»

Comme le fait remarquer Amin Maalouf, une société n'est ni une page déjà écrite à laquelle on ne peut rien changer, ni une page blanche où l'immigrant peut faire n'importe quoi sans prendre en considération la culture de sa société d'accueil: une collectivité, c'est une page en train d'être écrite, ce qui veut dire que les nouveaux éléments qui se rajoutent doivent être pris en considération et non être ignorés par la marginalisation, tout comme ces éléments nouveaux doivent s'intégrer pour faire du sens par rapport à ce qui est venu avant, question d'assurer une certaine continuité dans le récit. (Ce bout de texte est recyclé d'un autre de mes articles, question de faire comme Mathieu Bock-Côté et utiliser toujours le même contenu...).

Je pourrais continuer encore, mais je voudrais surtout mettre en évidence la malhonnête conclusion de son article: «Le christianisme a laissé une empreinte profonde sur la civilisation occidentale. Et le peuple québécois appartient à la civilisation occidentale. Mieux vaut l'assumer.» Dans le monde réel, un autre élément déterminent de l'identité occidentale est la laïcisation des institutions publiques, que ce soit lors de la Révolution tranquille ou celle qui l'a moins été en 1792, le rejet des explications simplistes des origines de la vie (Darwin) et l'avènement de philosophes comme Voltaire, Marx, Holbach et Nietzche...

L'opposition au christianisme a laissé une empreinte profonde sur la civilisation occidentale. Et le peuple québécois appartient à la civilisation occidentale. Mieux vaut l'assumer.

L'Occident est un caducée où deux cultures s'affrontent: une moderne, laïque et progressiste, l'autre théocratique, réactionnaire et conservatrice. Il y a depuis 500 ans un conflit entre ces deux cultures, un «Culture War», et la chrétienté n'est en aucun cas synonyme d'Occident.

Alors un petit message à Bock-Côté: à part si tu as besoin de torchons supplémentaires pour faire le ménage, cesse d'écrire prévisiblement le même texte, année après année. Mes sous à la CDP ne sont pas assez bien investis chez Québécor.

* * *

Ceci étant dit, à tous les autres, même si je suis athée, j'apprécie Noël pour ce que c'est réellement: un moment à passer en famille, avec de la bonne bouffe. Et ça, je ne veux pas qu'un imam du genre Bock-Côté vienne politiser cette journée et gâcher la fête avec des chicanes.

Alors joyeux Noël à tous !

(sauf aux trois zoufs qui écrivent pour Québécor)

Monday, September 26, 2011

Les Grands Discours: The Speech of The Great Dictator - Charlie Chaplin


Un discours qui est (malheureusement) un peu trop d'actualité...








I'm sorry but I don't want to be an Emperor, that's not my business. I don't want to rule or conquer anyone. I should like to help everyone if possible, Jew, gentile, black man, white. We all want to help one another, human beings are like that. We all want to live by each other's happiness, not by each other's misery. We don't want to hate and despise one another. In this world there is room for everyone and the earth is rich and can provide for everyone. 

The way of life can be free and beautiful. But we have lost the way.

Greed has poisoned men's souls, has barricaded the world with hate;
has goose-stepped us into misery and bloodshed.

We have developed speed but we have shut ourselves in:
machinery that gives abundance has left us in want.
Our knowledge has made us cynical,
our cleverness hard and unkind.
We think too much and feel too little:
More than machinery we need humanity;
More than cleverness we need kindness and gentleness.
Without these qualities, life will be violent and all will be lost.

The aeroplane and the radio have brought us closer together. The very nature of these inventions cries out for the goodness in men, cries out for universal brotherhood for the unity of us all. Even now my voice is reaching millions throughout the world, millions of despairing men, women and little children, victims of a system that makes men torture and imprison innocent people. To those who can hear me I say "Do not despair".

The misery that is now upon us is but the passing of greed, the bitterness of men who fear the way of human progress: the hate of men will pass and dictators die and the power they took from the people, will return to the people and so long as men die [now] liberty will never perish. . .

Soldiers: don't give yourselves to brutes, men who despise you and enslave you, who regiment your lives, tell you what to do, what to think and what to feel, who drill you, diet you, treat you as cattle, as cannon fodder.

Don't give yourselves to these unnatural men, machine men, with machine minds and machine hearts. You are not machines. You are not cattle. You are men. You have the love of humanity in your hearts. You don't hate, only the unloved hate. Only the unloved and the unnatural. Soldiers: don't fight for slavery, fight for liberty.

In the seventeenth chapter of Saint Luke it is written:
"The kingdom of God is within man" Not one man, nor a group of men, but in all men; in you, the people.

You the people have the power, the power to create machines, the power to create happiness. You the people have the power to make life free and beautiful, to make this life a wonderful adventure. Then in the name of democracy let's use that power, let us all unite. Let us fight for a new world, a decent world that will give men a chance to work, that will give you the future and old age and security. By the promise of these things, brutes have risen to power, but they lie. They do not fulfil their promise, they never will. Dictators free themselves but they enslave the people. Now let us fight to fulfil that promise. Let us fight to free the world, to do away with national barriers, do away with greed, with hate and intolerance. Let us fight for a world of reason, a world where science and progress will lead to all men's happiness.

Soldiers! In the name of democracy, let us all unite! 

. . . 

Look up! Look up! The clouds are lifting, the sun is breaking through. We are coming out of the darkness into the light. We are coming into a new world. A kind new world where men will rise above their hate and brutality. 

The soul of man has been given wings, and at last he is beginning to fly. He is flying into the rainbow, into the light of hope, into the future, that glorious future that belongs to you, to me and to all of us. Look up. Look up. 

Sunday, September 25, 2011

En mémoire de ?



Promenade au centre-ville de Montréal.‎
 
Près du Centre Eaton, je vois une plaque commémorative en bronze.

Ah, tiens? Il y a un événement ou un personnage historique important qu'on souligne ici.


Je lis.

«A la Mémoire de Jefferson Davis, Président des États Confédérés qui séjourna en 1867 au domicile de John Lovell alors situé au present emplacement.

Plaque érigée en 1957 par la Société des United Daughters of the Confederacy»


Assez de mauvais goût.

Les États Confédérés étaient un régime fondé sur la préservation de l'esclavage, une institution encore plus infâme que la monarchie (les deux institutions sont d'ailleurs basées sur le même principe: l'inégalité entre humains selon un rang attribué à la naissance selon des critères quelconques). Qu'est-ce que cette horreur fait là?

Bon, je sais qu'il y en a qui vont me radoter que la Guerre de sécession (Civil War) n'étaient pas qu'une guerre à propos de l'esclavage: il y avait la question du partage du pouvoir entre les états et le gouvernement fédéral (States rights versus Federal rights), l'opposition entre le Nord industrialisé qui voulait protéger son économie via des tarifs douaniers et le Sud agricole qui dépendait des exportations de coton et importait d'ailleurs bon nombre de biens, etc. Je connais un peu la problématique de ce conflit, j'ai même eu plusieurs cours sur l'Histoire américaine et sur le système politique américain. Le Canada et l'Angleterre ont d'ailleurs aidé les Sudistes dans une logique de war profiteering et de «diviser pour régner», pendant que la France de Napoléon III, profitant de la confusion, a même tenté d'envahir le Mexique pour y installer une monarchie autrichienne dans un absurde projet d'empire catholique en Amérique du nord  (ce qui me fait rire à chaque fois qui je pense), qui s'est soldé par un échec lors du Cinco Mayo et a léguer au Mexique le mot mariachi (déformation de «mariage», parce que les troupes françaises embauchaient fréquemment des musiciens quand ils épousaient des Mexicaines).

Oui, on peut nuancer, approfondir le sujet et considérer nombre facteurs atténuants.

Mais à ce compte, question de me donner quelques points Godwin, on peut aussi dire que Hitler a relancé l'économie allemande, organisé les jeux olympiques de 1936, ralenti l'expansion de Staline et laissé comme héritage la firme Volkswagen. Ce qui ne lui enlève pas la Shoah, la dictature, l'invasion de la Pologne, et un enchaînement de conflits qui a mis le monde à feu et à sang.


Aujourd'hui, on verrait mal de bâtir au Québec l'Autoroute Adolf Hitler, même avec la montée de la droite au Canada sous Harper et les délires habituels du Réseau «Libarté» Quelconque. Personnellement, je m'y objecterais, comme je trouve assez dégoûtant qu'on puisse commercialiser le nom d'un criminel comme Hugo Ferdinand Boss.

Alors je me demande, avec un gouvernement provincial qui organise à chaque année la Semaine d'actions contre le racisme (SACR), comment se fait-il que ce genre de monument honorant un régime raciste et esclavagiste puisse avoir encore pignon sur rue, ici même à Montréal?


Je crois que la plaque devrait être retirée, et peut-être confiée au Musée McCord pour une exposition sur le «Québec honteux», où pourrait aussi bien figurer aussi le nom de Amherst, le père de la guerre bactériologique en Amérique du nord, et des photos d'Adrien Arcand.


Il y a en bout de ligne une différence entre se souvenir de quelque chose pour en tirer une leçon et de faire un monument pour honorer ce qui est odieux. Et la présence de cette plaque commémorative dans l'espace publique, telle qu'elle est employée, transgresse la ligne de ce qui devrait éthique et de bon goût.


Reste à fixer cette frontière entre ce qui constitue, de façon acceptable, du patrimoine historique.

Friday, August 12, 2011

Québec: la culture nationale, l'immigration et la mondialisation


En cette période de mondialisation de l'économie et de migrations des peuples, les différences nationales ont tendance à se dissoudre dans le melting-pot du American Way of Life, de la zone Euro, et les autres alliances régionales. Les fédérations sont l'avenir! Toutefois, même si des frontières disparaissent grâce aux nouvelles technologies de l'information (TIC) et aux traités de libre-échange, et que le monde des affaires parle généralement anglais quand il fait du business, on aurait tort de reléguer les différences culturelles au simple rang «d'interférences dans la communication» et de confirmer trop tôt le décès des nationalismes (même en cette période de marasme chez les forces souverainistes, cynisme probablement dû à la faible qualité du leadership de Marois...). En effet, l'américanisation entraîne parfois aussi un vent d'anti-américanisme, comme si en poussant trop dans une direction on provoquerait un retour de balancier. Parfois, l'érosion de l'identité nationale, réelle ou perçue, provoque plus que du simples mécontentements, comme l'attestent les regrettables événements en Norvège, symptome d'un danger plus grand que pose la montée de l'extrême-droite en Europe et dans le reste de l'Occident, avec le Tea Party et le parti des Vrais Finlandais. Et le Québec n'est pas à l'abri de ce genre de catastrophe idéologique: prenez un discours de Éric Duhaime, substituer «juif» par «musulman», et vous obtenez une copie-conforme d'Adrien Arcand. (Le RLQ est un terreau fertile pour des idées de Chemises brunes.)





Les gens disent vouloir du changement, comme ça semble être le leitmotiv de toutes les élections, mais apparemment, ne veulent pas être brusqués. Question d'insécurité et de manque de confiance en soi, qui amènent de personnes apeurées à commettre toutes sortes de bêtises. Dans le contexte de la mondialisation, il y a au moins quatre pièges relatifs à la culture nationale qu'on peut relever: le premier est de réifier la culture, c'est-à-dire d'assumer que celle-ci est une chose concrète, immuable, comme si être Québécois était un concept avec des frontières fixes et clairement définies et que l'aspiration d'une nation serait de se cloner perpétuellement; le second est la négation des différences nationales au profit d'une culture d'entreprise déracinée, aseptisée, standardisée selon le One Best Way of Doing Things et «macdonaldisée», ou simplement, ce qu'on pourrait aussi appeler le syndrome «Elvis Gratton»; le troisième piège est la fâcheuse tendance à hiérarchiser les cultures entre elles, en versant dans l'ethnocentrisme en assumant que la façon de faire de sa propre culture est supérieure aux autres; et le quatrième est d'aller trop loin dans le relativisme culturel en permettant au nom de la liberté d'expression des comportements qui ne sont pas conformes à des valeurs progressistes, notamment le racisme, le sexisme et les autres formes de discriminations.


Comme une entreprise idéale, une culture nationale devrait être simultanément flexible avec son environnement externe, capable de s'adapter aux changements et d'intégrer les influences étrangères positives (notamment les transferts technologiques et académiques), et posséder une certaine rigidité dans son environnement interne, une rigidité qui serait fixée par plusieurs balises et valeurs communes (pour éviter de faire du n'importe quoi, n'importe quand sous un vernis d'approche contingente), sans nécessairement être un carcan qui empêche tout changement. Il faut donc être à la fois fier de ses origines sans être chauvin, être ouvert aux nouvelles idées sans avoir un esprit de colonisé qui accepte n'importe quoi, et vouloir faire rayonner sa culture par désir de contribuer à la grande «discussion» entre peuples plutôt que de s'imposer par arrogance et par impérialisme. Un équilibre parfois difficile à atteindre, parce que les gens confondent souvent leur propre identité avec leurs appartenances culturelles, comme le souligne Amin Maalouf, l'orgueil et les complexes d'infériorité de certains pouvant être la cause de biens de maux. Et comme cet auteur fait remarquer, une société n'est ni une page déjà écrite à laquelle on ne peut rien changer, ni une page blanche où l'immigrant peut faire n'importe quoi sans prendre en considération la culture de sa société d'accueil: une collectivité, c'est une page en train d'être écrite, ce qui veut dire que les nouveaux éléments qui se rajoutent doivent être pris en considération et non être ignorés par la marginalisation, tout comme ces éléments nouveaux doivent s'intégrer pour faire du sens par rapport à ce qui est venu avant, question d'assurer une certaine continuité dans le récit.

Sunday, July 31, 2011

Tetris urbain: maximiser l'utilisation de l'espace public

Hochelaga-Maisonneuve, 31 juillet 2011


Chaque jour en allant prendre un café je passe devant une cour d'école primaire qui a la particularité d'être occupée en tant que terrain de jeux durant quelques heures où les élèves prennent des pauses durant la semaine, et puis qui a ensuite l'aspect – la majorité du temps – d'une immense surface bétonnée vide sans vie. On paie des taxes pour essentiellement maintenir du vide bétonnée.

Pourtant il est possible de faire pousser quelque chose sur de l'asphalte.

Il me semble qu'il y aurait moyen d'optimiser l'utilisation de la cour d'école, notamment durant les fins de semaines, avec des initiatives peu ou pas coûteuses qui peuvent graduellement s'emboîter les unes sur les autres pour éventuellement faire de cet espace vide un point de focalisation dans la revitalisation du quartier. Ces idées ne sont pas nouvelles, mais simplement je trouve ça vaut que la peine de les rassembler ensemble. De toutes manière, ces idées ne semblent pas être suffisamment répandues.

Il faudrait plus de centre-vies que de centre-villes.


* * *


un terrain souvent vacant
Étape 1: La vente de garage communautaire

Plutôt que d'avoir de manière sporadique et désorganisée des ventes de garage un peu partout dans le quartier, il serait possible de simplement de centraliser ces kiosques à un seul point de vente, la cour d'école. Certes, pour le vendeur, ça demande un peu plus d'effort pour transporter les marchandises jusqu'au nouveau lieu, mais avec plusieurs ventes de garage dans un même lieu, le site s'improvise alors en marché aux puces communautaire, offrant davantage de produits aux clients, ce qui est plus susceptible de les attirer. Pour un(e) jeune qui veut se démarrer un kiosque de limonade ou de vente de bijoux artisanaux, ce lieu de rencontre communautaire dans sa cour d'école devient un meilleur point de départ que ne le serait le coin de sa rue; en plus, il est mieux encadré.

Le stationnement du personnel pourrait servir aux clients et aux vendeurs, vu que les enseignants et la direction n'en ont pas besoin la fin de semaine parce qu'il n'y a pas de cours.

Aussi, considérant que les système scolaire québécois est un peu épuisé en partie à cause de la faible implication des parents et de la communauté dans la recherche de mieux-être des élèves, la vente de garage communautaire a au moins le mérite de placer physiquement les parents et les gens du quartier sur le site de l'école. Tout grand voyage commence par un simple pas.


Étape 2: Troc-tes-trucs

Si dans les communautés anglophones, le phénomène d'échange de biens usagés (swap meet) est davantage connu, le Québec connaît déjà plusieurs de ces initiatives grâce à l'organisme Troc-tes-trucs [1]. Il me semble que ça ne relève pas de la sorcellerie de vouloir greffer une activité de troc en même temps qu'une vente de garage, vue que la majorité des gens peuvent marcher et mâcher de la gomme en même temps.



Infrastructure sous-utilisée
Étape 3: Le panier bio

En transformant la cour d'école en point de vente (de manière constante) à chaque fin de semaine, il devient plus simple pour des organismes comme Oasis bio express [2] ou Fermier de famille d'Équiterre [3] d'effectuer des livraisons de paniers de légumes biologiques à prix modique. Déjà, trois points de chute pour Fermier de famille existent dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, un au Marché Maisonneuve (superbe endroit), un autre sur le coin de la rue Sicard et Sainte-Catherine et un tierce dans le coin de la rue Rouville et de Saint-Germain. Il suffirait donc d'intégrer ces activités déjà existantes dans une utilisation plus intensive des cours d'écoles, ce qui demande que de légères modifications. Un coup parti, ce n'est pas très difficile d'installer un kiosque d'Équiterre (ou d'un autre groupe communautaire) sur lieu du marché aux puces communautaire s'il y a une foule suffisante pour le justifier, kiosque permettant de recruter d'autres participants au programme Fermier de famille, ce qui permet à long terme de tisser des liens économiques entre le développement rural et urbain.


Étape 4: Mon école complètement cirque

Avec un clown comme maire, par surprenant que le festival Montréal Complètement cirque [4] connaisse beaucoup de succès.

Mauvaise blague à part, il me semble que si une cour d'école est visitée par une foule durant la fin de semaine qu'il soit possible que les élèves puissent profiter de la présence de cet auditoire improvisé pour faire démonstrations de leurs talents: chant, humour, jonglerie, musique, etc. Pour l'école, il suffirait de réorienter un peu le contenu de leurs programmes pour que durant la semaine les élèves se préparent à faire une prestation: les cours d'éducation physique peuvent certainement servir à enseigner la jonglerie [5]; les cours de français peuvent servir à la rédaction de poèmes pouvant être lus devant la foule; les élèves «tannants» auraient l'occasion de s'improviser humouristes; et les activités de chorale et les cours de musique peuvent facilement s'intégrer sans trop de changements.

Ceci permettrait de donner aux jeunes un sens d'appartenance à leur école, qui irait donc au-delà du simple parcours académique. Pour les parents, ce serait l'occasion de voir de manière hebdomadaire le cheminement des élèves et de tisser davantage de liens avec l'école et avec les autres parents.


Étape 5: Copier la recette ailleurs

Si en quelques années, ce genre de convergence de projets de revitalisation de quartier a du succès, il sera certainement copier par les autres. Et c'est tant mieux.


* * *


Pour revenir à mon point de départ, il y a dans cet espace bétonné qu'est la cour d'école, des occasions de développement communautaire et économique qui ne sont pas exploitées. Et au Québec, ce ne sont pas les espaces vacants en béton qui manquent.

Culturellement, le Québec a le fardeau d'une mentalité de «suiveux», héritée de l'Église catholique et de sa tradition absolutiste (et non du syndicalisme, comme se plaisent à dire certains «drétteux» à travers leur chapeau...), qui nous a habitué à attendre l'initiative de la part des autorités, plutôt que la prendre nous-mêmes – un autre obstacle à surmonter, mais qui n'est pas insurmontable avec un peu de volonté et quelques bons exemples de succès.

Un autre problème du Québec, c'est que sur le plan politique, il y a d'un côté, il y a une droite capitaliste qui ne voit pas dans ce genre de projet de convergence communautaire la possibilité d'accroître le PIB vus que les biens échangés ne sont pas neufs, donc pas comptabilisés dans le calcul de cet indice économique (un indice, qui dans le fond, sert surtout à comparer le output industriel des pays s'ils devaient se faire la guerre...) et que les activités artistiques des élèves ne génèrent pas de revenus, alors de l'autre bord, on a une certaine gauche qui veut tout changer le système avec des idées top-down marxistes ou de type Zeitgeist, mais qui n'accomplit pas grand-chose (heureusement, car l'économie planifiée serait un désastre autant qu'un marché libre à 100%). Entre Charybde et Scylla, il est possible de prendre les meilleurs aspect de la gauche (préoccupations humanitaires et écologiques) et de la droite (entrepreneuriat et recherche d'efficience), de construire un projet simple sur lequel d'autres activités peuvent graduellement s'emboîter comme des blocs Lego.

Jouer à Tetris avec l'espace urbain ne changera peut-être pas le monde, mais c'est un début pour à la fois rentabiliser les lieux publics et pour solidifier le tissu social d'un quartier.






Sources:

[1] Troc-tes-trucs: http://www.troctestrucs.qc.ca/
[2] Oasis bio express: http://oasisbioexpress.ca/
[3] Équiterre – Fermier de famille: http://www.equiterre.org/solution/fermier-de-famille
[4] Montréal Complètement cirque: http://www.montrealcompletementcirque.com/
[5] Les Arts du cirque à l'école primaire: http://artsducirque.canalblog.com/

Thursday, July 21, 2011

Clausewitz, Harper et Wapikoni


L'été dernier, poussé par mon intérêt pour la stratégie (le résultat de mes études en gestion et probablement du fait que j'ai été élevé sur des bases militaires), j'ai lu de l'oeuvre de Carl von Clausewitz (de qui je parle souvent...), De la guerre. La version abrégée, évidemment, car si les réflexions de Clausewitz sont souvent brillantes, la manière dont elles sont écrites laissent par moment à désirer, sans compter que le texte est traduit de l'allemand, ce qui laisse place à beaucoup de «lost in translation». Et bien que ce soit un ouvrage qui traite de la guerre telle qu'elle était pratiquée au XIXe siècle, De la guerre est aussi une excellente ressource pour comprendre bon nombre de phénomènes actuels, militaires autant que civils, surtout dans les domaines liés à l'accès à l'information en temps. Trois concepts sont d'ailleurs à retenir: le fog of war («brouillard informationnel» ou asymétrie de l'information), la friction (la panoplie d'impondérables qui empêchent tout plan d'être réalisé exactement comme il était prévu) et l'Auftragstaktik (la tactique «basée sur les missions» qui délègue aux gens sur le terrain une plus grande autonomie afin pouvoir réagr plus rapidement aux changements survenant dans un environnement dynamique). Pour n'importe qui sachant lire entre les lignes, qui est un peu créatif et a recours à la synectique (association d'idées différentes), les concepts de Clausewitz sont facilement applicables en gestion, en politique, en marketing, en sociologie et en économie. À l'instar de celles de Sun Tzu (L'Art de la guerre), les réflexions de Clausewitz relatives à l'accès et au contrôle de l'information sont indémodables, et tout gestionnaire devrait se familiariser avec celles-ci.

D'autres idées de Clausewitz sont aussi très intéressantes pour comprendre des phénomènes dans le contexte socio-économique actuel au Québec et au Canada. Par exemple, la lutte contre la criminalité peut être considérée une guerre proprement dite. C'est certainement l'attitude qu'on semble observer chez Stephen Harper et ses Conservateurs, qui pronent une approche répressive («tough on crime»), des sentences exemplaires et un financement accru du milieu carcéral. 

Contre le crime, la meilleure défense, c'est l'attaque! Non?

Mais qu'en est-il vraiment?

Pour Carl von Clausewitz, la stratégie défensive est supérieure à l'offensive. Simplement, quand un pays agit comme envahisseur, il peut initialement réussir plusieurs coups d'éclat et écraser l'adversaire chez lui, mais à long terme, la résistance locale qui s'organise et l'impatience d'une population qui souhaite le retour à la maison des troupes (les militaires ont des familles, rappelons-le) usent l'armée victorieuse. Comme on l'a remarqué avec les revers au Viet Nam, en Iraq et en Afghanistan, il est facile de gagner la guerre, mais pour gagner la paix, c'est tout un autre défi.

Dans un second temps, une armée qui adopte une stratégie défensive devrait idéalement, si on se base sur Clausewitz, avoir recours à des tactiques offensives. Par exemple, dans le cas d'une résistance à une invasion étrangère, un pays pourrait: (1) fortifier ses positions à l'intérieur de ses frontières et y attendre l'ennemi; (2) attendre l'ennemi à la frontière pour l'empêcher d'entrer; ou (3) envahir le pays ennemi de manière préventive. Dans l'option 1, si l'armée qui se défend a l'avantage du terrain et l'appui de la population locale, il reste que le théâtre des affrontements se situe sur son territoire, ce qui signifie qu'il encaisse tous les dégâts collatéraux. Avec l'option 2, ces dégâts collatéraux sont partagés entre les deux belligérents. Finalement, avec l'option 3, plus aggressive, l'armée qui veut empêcher une invasion fait subir aux forces rivales les dégâts collatéraux chez celles-ci, et en plus l'adversaire doit abandonner ses plans d'invasion pour réorganiser une contre-offensive permettant de libérer le territoire perdu (ce qui lui coûte l'initiative). Le troisième choix est donc nettement plus avantageux que les deux autres, surtout en matière de dégâts collatéraux.


Revenons à la lutte contre la criminalité.

Dans cette guerre, le champ de bataille, c'est le temps.

On peut agir de manière répressive, comme le suggèrent les Conservateurs, en punissant sévèrement les criminels après qu'ils aient commis des délits. C'est l'équivalent d'attendre l'armée adverse chez soi. C'est une approche réactive, qui donne à l'adversaire l'initiative. La société qui choisit cette option accepte de subir les dégâts collatéraux (la perte de la paix sociale).

On peut aussi agir pendant que le délit est commis («attendre l'ennemi à la frontière»), mais bien fûté celui qui pourrait savoir d'avance où le prochain crime aurait lieu afin d'y envoyer un policier pour prendre le malfrat la main dans le sac. Même les méthodes présentées dans Minority Report ne sont pas sans failles et, surtout, relève de la science-fiction (et malgré la présence de créationnistes dans les rangs des Conservateurs, je ne crois pas qu'ils sont si déconnectés de la réalité que ça... du moins je l'espère!).

Si on revient à la troisième option, celle basée sur l'approche proactive, on peut attaquer les criminels avant qu'ils commettent des délits. Bien que le recours à la divination soit exclu, il faut toutefois remarquer qu'il est possible statistiquement de repérer au sein d'une collectivité les segments de population pouvant être à risque d'adopter un comportement criminel. La pauvreté et la marginalité de certains groupes sociaux sont des facteurs qui contribuent à ce que ceux-ci deviennent des «criminels d'opportunité» (thème que j'ai déjà abordé en partie dans le texte Charité bien ordonnée: État, fiscalité et justice sociale). Au Québec et au Canada, les Autochtones constituent un groupe marginalisé plus susceptible d'être incarcéré que d'autres [1]:


There are 13,000 federal offenders in custody and a similar number out in the community on some form of conditional release. These statistics include aboriginal offenders. In 2007/2008, according to Statistics Canada, aboriginal adults accounted for 22 per cent of admissions to sentenced custody while representing only 3 per cent of the Canadian population. More than one in five new admissions to federal corrections is now a person of aboriginal descent. Among women offenders, the overrepresentation is even more dramatic – one in three federally sentenced women is aboriginal.” 
 


Évidemment, même si la lutte contre la criminalité doit être envisagée comme une guerre, les gestes posés pour livrer cette bataille ne doivent pas être nécessairement violents. À titre d'exemple, l'organisme Wapikoni Mobile, qui développe l'industrie cinématographique chez les Autochtones et donne à ceux-ci une voix pouvant s'exprimer, est un exemple d'effort «aggressif» contre la marginalisation qui, faut-il le rappeler, est une des cause de la criminalité. Or, les récentes coupures au financement de Wapikoni Mobile par le gouvernement Harper montre que le parti au pouvoir va dans le sens contraire de l'approche qui serait la plus avantageuse (méthode préventive, approche proactive) pour s'enliser dans une stratégie offensive (méthode répressive) combinée à une tactique défensive (approche réactive), un peu comme les Américains l'ont fait en envahissant l'Iraq pour par la suite se cloîtrer dans le «zone verte» (green zone) entre deux répressions bien édulcorées par les médias, ou le Canada en Afghanistan...


* * *


Bref, on constate qu'il y a des mythes encore tenaces entourant le conservatisme: «les Tories savent mieux gérer la sécurité nationale et l'armée», alors qu'ils n'ont apparemment pas lu Clausewitz; «ils maîtrisent mieux la lutte contre la criminalité parce qu'ils sont plus sévères», même si leur approche réactive ne fait que partiellement ramasser des pots cassés et, surtout, stimuler le développement de l'industrie carcérale, profitable aux amis du parti; «ils ont le sens des priorités, qu'ils savent bien gérer le budget à grands coups d'austérité qui coupent dans le gras», malgré qu'ils ont paradoxalement payé avec l'argent des contribuable le voyage de noces de l'héritier de l'héritier de la souveraine d'un pays étranger, une dépense farfelue complètement inutile pour des gens qui ont les moyens de se payer ce déplacement; «les Conservateurs sont de bons chrétiens», même s'ils appuient des guerres, ce qui va dans le sens contraire des enseignements du Christ («Celui qui vit par le glaive périra par le glaive») et certains pensent à ramener la peine de mort, même si le fondateur de leur religion a été victime de ce genre de sentence suite à une erreur judiciaire; «la droite n'est pas étatique comme la gauche», bien que le gouvernement Harper tente d'exercer un fort contrôle de l'information via la création en secret de son propre centre médiatique [2], où les journalistes seraient mieux «encadrés» par l'État pour qu'ils répètent fidèlement la ligne de parti; etc. Si la partisanerie conservatrice à un niveau d'intransigeance sans précédent montre le rôle important de l'idéologie politique chez les Conservateurs, la constance dans l'application des principes de cette idéologie, elle, montre plusieurs fissures. La façade pharisienne cache un despotisme lourdeau qui ne vise que l'objectif d'accroître le pouvoir et la fortune du parti et de sa clientèle, en toute indifférence du mieux-être de l'ensemble de la société.

Le Parti conservateur, par l'absurdité du système électoral uninominal à un tour, est maintenant majoritaire même s'il n'a été élu qu'avec 39.9% des voix, ce qui est définitivement sous la majorité absolue du 50%+1 d'une réelle démocratie. Sous la tyrannie de cette minorité, attendez-vous à d'autres surprises désagréables, justifiées par une idéologie creuse.


On est 60.1%, il faut s'organiser.



______

[1] Émile Therien, The Shame of Aborigenal Incarceration

[2] Harper to create government-run media center: report

Tuesday, July 19, 2011

Idée: babillard commun d'événements autochtones au Québec

Suite au succès des deux pétitions en ligne retrouvés sur Facebook (Boycott Eska Water et Contre les publicités racistes d'Eska) contre la campagne publicitaire douteuse d'Eska, ainsi que l'attention générée dans l'ensemble des médias conventionnels du Québec (et même dans le reste du Canada), il est devenu évident que le recours aux réseaux sociaux peuvent donner des résultats intéressants, surtout quand il s'agit de relier de nombreuses communautés autochtones, souvent séparées par la géographie, et de pouvoir travailler ensemble vers le même but.

Les médias sociaux peuvent être utiles ailleurs. Par exemple, les organismes communautaires autochtones doivent souvent s'occuper par eux-mêmes de la promotion de leurs événements, sans nécessairement avoir l'expertise en publicité, ou même les budgets; certaines se contentent d'utiliser le courriel et de se créer une liste d'envois de quelques centaines de personnes.

Quand on tente de desservir l'ensemble des populations autochtones en agissant chacun de son côté, on obtient le résultat ci-dessous:




Si on centralise les efforts en mandatant un intermédiaire commun, les efforts nécessaires pour rejoindre ces populations autochtones est réduit, comme on le voit avec le second tableau:




Il serait avantageux pour les différents organismes autochtones du Québec de créer un seul babillard commun sur lequel toutes les activités seraient répertoriées. Au lieu d'avoir 10 organismes ayant chacun une liste d'envoi de 500 personnes, un seul organisme pourrait bénéficier d'une visibilité auprès de 5000 personnes avec les listes d'envois combinées. Le principe est similaire au publi-sac: au lieu d'avoir 10 magasins qui paient 10 livreurs pour livrer 10 types de circulaires, ces magasins se cotisent pour un sac commun et paient un seul livreur; bien que le service du babillard commun serait gratuit pour les organismes autochtones, ceux-ci économisent tout de même du temps et de l'effort, tout en pouvant rejoindre une plus grande quantité de gens.


Déjà, le projet est modestement amorcé avec la page Facebook suivante:



Cette page, idéalement, serait le point de départ pour développer éventuellement un site plus élaboré, une base de donnée où les événements seraient gérées selon les dates, lieux, nature des activités.

Avec suffisamment de popularité et l'appui d'organismes qui participent et parrainent le site pour lui donner une crédibilité auprès des communautés autochtones (e.g. APTN, Terres en Vues), il serait par la suite possible d'aller chercher des commanditaires pour assurer le fonctionnement du site et peut-être verser des bourses à des organismes qui se démarquent dans l'action communautaire.

Avantages d'un babillard commun de diffusion:

  1. Économies d'échelle (e.g.: plusieurs organismes se partageant les mêmes infrastructures et les coûts);
  2. Une plus grande variété pour le public visé (e.g.: un calendrier d'événements commun partagé par plusieurs organismes);
  3. Une amélioration du service auprès du public par la spécialisation des tâches (e.g.: chaque organisme peut se spécialiser selon sa vocation, au lieu de faire «un peu de tout» inégalement: certains sont bons pour faire de la promotion, d'autres pour produire du contenu, et il y a des avantages à la spécialisation);
  4. Les plus petis organismes bénéficient d'une plus grande visibilité et du prestige d'être associé avec des organismes mieux établis; 
  5. Les plus grands organismes bénéficient d'une image améliorée et d'une meilleure réputation, les deux étant le résultat de l'aide qu'ils apportent aux plus petits organismes.